Prudence alors que Wall Street signe un trimestre record
Les actions américaines du Dow Jones Industrial Average ont gagné 17,8% entre avril et juin, du jamais-vu depuis 1987. Sur l’année, l’indice est en baisse et, pour la suite, les analystes doutent que cette envolée puisse continuer
Presque un record. Mardi, les bourses américaines ont clôturé leur séance sur une nouvelle note positive. Une hausse qui vient confirmer une évolution un peu inattendue en mars dernier alors que les indices s’écroulaient jour après jour, dans l’inquiétude de la propagation du coronavirus: entre avril et juin, Wall Street a connu son meilleur trimestre depuis 1987 pour le Dow Jones Industrial Average avec un bond de 17,8%. Le S&P 500 à, quant à lui, connu ses trois mois les plus prolifiques depuis 1998 avec une hausse de 21,6% et depuis 1999 pour le Nasdaq Composite avec une envolée de 30,6%.
Le rebond, depuis les plus bas de mars, n’est pas qu’américain. Tous les indices de la planète ont regagné du terrain, en témoigne l’évolution de l’indice MSCI All Countries World, en hausse de 17%. Les mesures extraordinaires prises par les banques centrales et les plans de soutien des gouvernements ont rassuré les marchés, qui misaient en outre sur un rebond rapide de l’économie après les phases de confinement.
«Marché accro à la liquidité»
«Le marché est accro à la liquidité et, depuis le début de cette crise, il a été servi par les banques centrales dont les injections ont atteint des records», considère Loïc Schmid, responsable des investissements pour la société de gestion genevoise 1875 Finance. Avant d’illustrer: «On peut observer une corrélation presque parfaite entre la hausse du bilan de la Réserve fédérale américaine et celle des marchés actions.»
Ces performances peuvent sembler d’autant plus étranges que le monde est en train de connaître l’une des récessions les plus violentes jamais enregistrées. Or, sur l’ensemble de l’année, seul le Nasdaq est dans le vert, avec une hausse de 10,6%. Même si l’indice phare de la tech américain a plongé comme les autres en mars, il a d’autant mieux rebondi que les géants qui le constituent ont pu profiter de l’utilisation accrue des solutions technologiques pendant les confinements. Le S&P 500 est lui en baisse de 4,8%, tandis que le Dow Jones a perdu 10,6%.
De nombreux analystes se montrent prudents pour la suite, tant on peine encore à mesurer l’impact de la crise du coronavirus et à appréhender la suite.
«On peut observer une corrélation presque parfaite entre la hausse du bilan de la Réserve fédérale américaine et celle des marchés actions» LOÏC SCHMID, RESPONSABLE DES INVESTISSEMENTS POUR 1875 FINANCE
«Il est difficile d’imaginer que le marché continue de progresser de cette façon pendant l’été», a prévenu Quincy Krosby, cheffe stratégiste de marché chez Prudential Financial, citée par CNBC. Elle estime que les actions pourraient devenir de plus en plus volatiles si le nombre de cas de coronavirus continue à augmenter et si certains des traitements ou vaccins proposés échouent. «Cela n’affectera pas seulement les entreprises biotechs, mais le marché en général», avertit la spécialiste.
Autre danger: jusqu’à quand cette forme de «marché administré» par les autorités monétaires qui injectent systématiquement des liquidités pour le stabiliser peut-elle tenir? se demande Loïc Schmid, qui estime que les autorités sont allées trop loin. «C’est l’arrivée de l’inflation qui devrait l’arrêter, estime-t-il. Or elles font tout pour en créer, parce que cela permet de réduire la dette publique, mais elles n’y sont pas arrivées jusqu’ici, sauf à faire gonfler certains actifs financiers.»
Le tour de l’Europe?
L’expert de 1875 Finance reste neutre sur les actions, qui peuvent encore bénéficier du rebond important de l’économie. Mais sans enthousiasme: l’élection présidentielle américaine amènera elle aussi son lot de risques, tandis que les valorisations apparaissent très élevées dans certaines poches du marché, ajoute-t-il.
Les marchés européens n’ont pas récupéré autant de terrain depuis mars, alors même que leurs économies sont reparties avant les Etats-Unis. Mais leur tour est peut-être venu. En juin, ils ont fait mieux que leurs homologues outre-Atlantique et BlackRock, par exemple, a tourné son attention de leur côté. Dans une note publiée lundi, le géant de la gestion d’actifs recommande une approche neutre pour les actions américaines mais surpondère désormais les européennes, «la région étant favorablement exposée à une hausse cyclique du redémarrage de l’activité, sur fond de mesures de santé publique solides et d’une réponse politique et budgétaire encourageante», justifient ses experts.
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