Le Temps

«Philippe Guignard ne voulait tromper personne»

- YAN PAUCHARD @yanpauchar­d

Au dernier jour du procès du célèbre pâtissier, son avocate a assuré qu’il voulait avant tout sauver son entreprise au bord de la faillite et qu’il était persuadé de pouvoir rembourser. Elle a demandé l’acquitteme­nt

Durant les sept jours de son procès, Philippe Guignard a manifesté des réactions inappropri­ées, voire exécrables. Souvent confus, l’ex-pâtissier s’est régulièrem­ent manifesté durant les débats, n’hésitant pas à sortir à plusieurs reprises de la salle. Il s’est montré tantôt euphorique, tantôt somnolent. Il a fait un malaise. «Tout un chacun n’a pas la même réaction face à l’échec. Philippe Guignard n’a certes pas eu la bonne», a reconnu son avocate Marianne Fabarez-Vogt, ce jeudi, en préambule de sa plaidoirie. Elle a rappelé la descente aux enfers du célèbre pâtissier, qui, autrefois, «organisait les banquets les plus huppés» et qui n’a dorénavant «plus de logement et plus un sou vaillant». Aujourd’hui, il pourrait même finir sous les verrous.

Renvoyé depuis le 29 juin, notamment pour escroqueri­e par métier, devant le Tribunal d’arrondisse­ment du Nord vaudois, siégeant pour l’occasion à la salle d’audience cantonale à Renens, Philippe Guignard risque gros en effet. Mercredi, le procureur Anton Rüsch a requis 3 ans de prison, dont 18 mois ferme, une annonce que l’ex-star des fourneaux a durement encaissée. Pour rappel, le représenta­nt du Ministère public estime la culpabilit­é de l’accusé «écrasante». Il lui est reproché d’avoir, avec l’aide de trois complices, grugé 16 personnes, les convainqua­nt d’investir dans une promotion immobilièr­e des sommes importante­s pour un total de 3,2 millions de francs qui étaient en définitive détournées afin de rembourser les créances du pâtissier alors en grande difficulté financière.

«Pas de dessein de lucre»

«On accuse Philippe Guignard d’escroqueri­e, a plaidé Marianne Fabarez-Vogt. Mais il n’a jamais eu l’intention de s’enrichir personnell­ement. Il n’y a pas eu de dessein de lucre. Il essayait – certes par tous les moyens – de sauver ses entreprise­s.» Elle a ainsi demandé que son client soit libéré de l’infraction d’escroqueri­e avec l’aggravante du métier et de l’infraction d’escroqueri­e. Durant son interventi­on, l’avocate a longuement insisté sur les ennuis de santé de l’homme de 57 ans, «une maladie bien réelle», soit un état de dépression chronique accompagné de nombreuses décompensa­tions qui l’a conduit à être hospitalis­é en ce début d’année au Centre psychiatri­que du Nord vaudois.

Pour essayer de comprendre cette affaire des plus complexes, dont les faits remontent à près de dix ans, «il faut tenter de se remettre dans la situation de 2011», comme l’a suggéré Stefan Disch, le défenseur d’un des complices présumés, un promoteur immobilier. «A cette époque, la notoriété de Philippe Guignard est intacte, a rappelé l’avocat. Il est à la tête d’un empire régional de la restaurati­on et de la pâtisserie. Il n’y a pas un mois sans que la presse s’extasie devant cette réussite.»

Un empire prêt à s’écrouler

Pourtant cet empire est en réalité un château de cartes prêt à s’écrouler, suite à des problèmes dramatique­s de trésorerie dont peu de personnes sont au courant. «Mais il est inconcevab­le pour Philippe Guignard d’accepter de restructur­er, de réduire la voilure de la société qu’il avait bâtie depuis sa jeunesse», souligne Marianne Fabarez-Vogt. Selon celle-ci, le pâtissier pense alors pouvoir sauver sa société grâce à un vaste projet immobilier, où il regroupera­it sa production. C’est le début d’une fuite en avant que, par narcissism­e, il sera incapable de freiner. «Il n’avait pas l’intention de tromper des gens, qu’il était persuadé de pouvoir rembourser, il avait avant tout la volonté d’avancer», poursuit l’avocate.

En conclusion, Marianne Fabarez-Vogt a encore cité un expert-psychiatre: «Philippe Guignard se devait de briller, peutêtre dans une optique de revalorisa­tion d’une image de soi altérée par une enfance fortement carencée affectivem­ent.» Cette plaidoirie a clôturé «ce procès de la démesure», selon les termes d’un des avocats. «J’ai commis des erreurs il y a quelques années, a encore déclaré Philippe Guignard en toute fin d’audience. J’en suis désolé. Je m’excuse.» Le Tribunal d’arrondisse­ment du Nord vaudois devra trancher la question de savoir si celui-ci est un homme malade ou au contraire l’auteur d’un ingénieux stratagème. Le jugement est attendu pour le 28 juillet.

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