Le Temps

La mer ne transporte­rait pas le Covid-19

- ÉTIENNE MEYER-VACHERAND @EtienneMey­Va

Depuis la détection du SARS-CoV-2 dans les eaux usées de plusieurs pays, l’Institut français de recherche pour l’exploitati­on de la mer surveille la présence du virus dans les eaux du littoral et dans les coquillage­s

Sable chaud et mer d’azur, pour ceux qui ont la chance de pouvoir partir en vacances la recette semble parfaite pour oublier un peu la pandémie qui secoue l’ensemble de la planète depuis six mois maintenant. Si vous aviez prévu de passer vos vacances sur une plage française, bonne nouvelle, le SARS-CoV-2 semble absent des eaux côtières.

Depuis la mi-avril, des chercheurs de l’Ifremer (Institut français de recherche pour l’exploitati­on de la mer) réalisent des prélèvemen­ts d’eau de mer et de coquillage­s sur les trois façades maritimes métropolit­aines pour y détecter la présence du coronaviru­s. Les premiers résultats publiés le 18 mai dernier montraient une absence du virus dans les 21 premiers échantillo­ns, mais l’Ifremer poursuit cette campagne. Jeudi, lors d’une conférence de presse, l’institut a confirmé que jusqu’à présent aucune trace du SARS-CoV-2 n’a été observée dans la centaine de prélèvemen­ts effectués.

Des eaux usées aux littoraux

Ces observatio­ns ont débuté après que la présence du virus eut été identifiée dans les eaux usées en région parisienne et dans d’autres pays, en avril. Des échantillo­ns sont ainsi prélevés tous les quinze jours dans des zones maritimes identifiée­s comme exposées aux sources de contaminat­ion fécale d’origine humaine. «Si le SARS-CoV-2 se retrouve dans l’environnem­ent, la voie d’apport se fera forcément par des rejets humains, affirme Soizick Le Guyader, virologist­e et responsabl­e du laboratoir­e nantais Santé, environnem­ent et microbiolo­gie (LSEM) de l’Ifremer. Normalemen­t, ces rejets arrivent dans les stations d’épuration, mais il peut y avoir des accidents lors du traitement, et surtout, il y a parfois des problèmes sur les réseaux d’évacuation ou des événements climatique­s qui entraînent des déversemen­ts d’eaux usées directemen­t sur le littoral.»

La méthode utilisée sur les littoraux est la même que celle qui a permis la détection de traces du génome du virus dans les réseaux d’eaux usées via l’utilisatio­n de tests PCR (tests de diagnostic moléculair­e mettant en évidence la présence d’un virus). Pour les études réalisées sur les eaux usées, sa détection avait nécessité une concentrat­ion des particules virales pour permettre de réaliser les tests.

Dans le cadre de leur campagne, les chercheurs de l’Ifremer ont prélevé des échantillo­ns d’eau de mer, mais surtout des échantillo­ns de coquillage­s. «Le coquillage est pris comme un intégrateu­r et une sentinelle de la contaminat­ion, précise Soizick Le Guyader. Prélever de l’eau de mer et l’analyser, c’est compliqué, on s’attendait à trouver des traces très faibles de virus dans l’environnem­ent alors que le coquillage va filtrer les particules.» Le coquillage joue donc un rôle de concentrat­eur du virus s’il est présent dans l’environnem­ent.

Cette méthode de détection a déjà fait ses preuves avec d’autres virus comme

«La question de l’infectiosi­té se posera si on en trouve des concentrat­ions importante­s dans l’eau de mer» SOIZICK LE GUYADER, VIROLOGIST­E

les norovirus à l’origine des épidémies de gastroenté­rite. «Il y a de temps en temps des épidémies de gastroenté­rite liées à la consommati­on d’huîtres. Nous développon­s nos recherches pour expliquer comment ces virus passe de l’homme aux stations d’épuration puis au littoral, et comment ils peuvent rester infectieux plusieurs jours, voire des semaines, dans les huîtres, détaille Soizick Le Guyader. Mais les norovirus sont des virus nus, très différents des coronaviru­s, qui présentent une persistanc­e dans l’environnem­ent très importante.» D’ailleurs, si les premiers prélèvemen­ts réalisés ont montré une absence du SARS-CoV-2, six des échantillo­ns de coquillage­s étaient positifs aux norovirus.

Infectieux dans l’eau?

En parallèle, l’Ifremer a également effectué des prélèvemen­ts d’eaux usées avant traitement dans trois stations d’épuration de l’ouest de la France. Neuf de ces treize échantillo­ns ont confirmé la présence du SARS-CoV-2, mais dans une concentrat­ion plus faible que l’étude réalisée en région parisienne. L’action du traitement des stations d’épuration est une des raisons qui permettrai­ent d’expliquer l’absence du coronaviru­s dans les eaux côtières, ainsi qu’un phénomène de dilution plus important dans l’eau de mer. «De plus, le SARS-CoV-2 est un virus enveloppé, et contrairem­ent à ce que l’on pourrait croire la présence d’une enveloppe est un élément de fragilité», souligne Soizick Le Guyader. L’Ifremer fait aussi partie du projet Obepine qui vise à surveiller la circulatio­n du virus dans les eaux usées françaises.

Il faut également noter que les tests PCR réalisés ne renseignen­t pas sur l’état du virus. Si on sait désormais qu’il est présent dans les eaux usées et dans certaines eaux de surface, rien n’indique qu’il soit contagieux pour autant. «Nous n’avons pas d’informatio­n sur la présence de l’enveloppe, précise Soizick Le Guyader. La capside est probableme­nt intacte sinon le génome serait dégradé, mais on ne sait pas si le virus est complet. La question de l’infectiosi­té se posera si on en trouve des concentrat­ions importante­s dans l’eau de mer.»

Pour le moment donc, il n’y a pas vraiment de raison de s’inquiéter de tomber malade en buvant la tasse à la plage cet été. «Nous n’avons pas encore fait d’étude de stabilité du virus dans l’eau de mer et il n’y a pas encore de publicatio­n sur le sujet, précise Soizick Le Guyader. Par contre, si une personne infectée se baigne, je pense que le risque principal, c’est la proximité, comme sur la terre ferme. Il est donc important d’appliquer les gestes de prévention aussi pendant nos vacances d’été.»

 ?? (JAIME REINA/AFP) ?? L’île de Majorque. S’il n’y a pas encore eu d’étude de stabilité du virus dans la mer, une chose est sûre: dans l’eau comme sur la terre ferme, l’important est de maintenir les distances pour éviter la transmissi­on.
(JAIME REINA/AFP) L’île de Majorque. S’il n’y a pas encore eu d’étude de stabilité du virus dans la mer, une chose est sûre: dans l’eau comme sur la terre ferme, l’important est de maintenir les distances pour éviter la transmissi­on.

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