La flexibilité s’avère décisive
De nombreuses caisses de pension sont sous pression. En ce moment, la souplesse est déterminante pour les investisseurs en quête de rémunération adéquate
Les taux d’intérêt historiquement bas et la volatilité des cours boursiers consécutifs à la crise du coronavirus ont péjoré les conditions déjà mauvaises auxquelles les caisses de pension sont soumises. Dans la classe proportionnellement la plus importante des obligations, dans laquelle les caisses de pension placent traditionnellement un tiers de leurs avoirs, les taux d’intérêt négatifs empêchent tout rendement à long terme. Le taux de conversion LPP fixé par la loi, le taux d’intérêt minimum ainsi que l’âge actuel de la retraite exigent un rendement théorique nettement plus élevé si l’on veut pouvoir maintenir la promesse de rentes actuelles et futures.
Tant que les banques centrales financent la forte dette des Etats européens et des Etats-Unis, les taux d’intérêt devraient rester négatifs, jusqu’en 2023 au moins. Pour les caisses de pension, il sera dès lors toujours difficile d’obtenir les rendements nécessaires.
Le prix à payer est une grande redistribution des professionnels actifs vers les rentiers et de la part surobligatoire vers la part obligatoire. D’après les estimations de la Commission de haute surveillance de la prévoyance professionnelle (CHS), cette redistribution s’est élevée à 5,1 milliards de francs en 2018 et même à 7,2 milliards de francs en 2019. Conséquence pour les actifs, un taux plus faible sur leur avoir de vieillesse, et des taux de conversion en baisse constante.
En effet, le taux de conversion de 6,8% prescrit par la loi ne s’applique qu’à la part obligatoire de la LPP. Les taux valables pour la part surobligatoire sont fixés par le conseil de fondation et peuvent donc être sensiblement inférieurs. Il en va de même pour le taux minimum de la LPP, qui ne concerne que la part obligatoire. L’avoir de vieillesse de celle-ci doit ainsi rapporter au moins 1%, tandis que l’intérêt de l’avoir de vieillesse surobligatoire est du ressort du conseil de fondation. De nombreuses caisses de pension se sont vues contraintes de le modifier plusieurs fois à la baisse au cours des dernières années.
Contrairement à d’autres solutions LPP, une assurance complète couvre non seulement les risques décès et invalidité mais également le risque sur les placements. Les garanties globales doivent être soutenues par un capital-risque supplémentaire, puisque la totalité des obligations de rentes, intérêt minimum compris, doivent être satisfaites en tout temps. La stricte réglementation à laquelle les assureurs vie sont soumis en matière d’assurance complète sanctionne tous les placements sujets à certaines fluctuations de valeur par des exigences correspondantes en termes de fonds propres.
Cela implique une stratégie de placement prudente et, de ce fait, des chances de rendement nettement moins bonnes qu’auprès des caisses de pension indépendantes ou des fondations collectives. Malgré leur activité à long terme, les assureurs complets n’ont pas la possibilité d’investir dans des actions, qui assurent le meilleur rendement sur la durée. Pour eux, réaliser le taux d’intérêt minimum prescrit par la LPP représente donc déjà un défi.
A la différence des assurances complètes, les fondations collectives partiellement autonomes doivent supporter elles-mêmes le risque de leurs placements. En contrepartie, elles sont nettement plus libres en ce qui concerne leur stratégie, qu’elles peuvent orienter vers des catégories de placement présentant de plus grandes chances de revenu à long terme et obtenir ainsi une rémunération plus intéressante en faveur des assurés.
En effet, outre le taux de conversion, le niveau de la rente de vieillesse dépend principalement de l’intérêt versé sur le capital vieillesse. La différence sera importante suivant que l’avoir de vieillesse donne lieu à un intérêt de 1%, taux LPP minimum courant auprès des assureurs complets, ou de 2%, comme une stratégie de placement plus diversifiée le permet avec une solution partiellement autonome ou une caisse de pension indépendante. Avec un intérêt deux fois supérieur, l’effet de l’intérêt composé sur toute une carrière professionnelle produit une rente de vieillesse qui peut s’avérer plus élevée de 20% au moment du départ à la retraite et correspondre à une rente supérieure de plusieurs centaines de francs chaque mois.
Formes de placement alternatives et bénéficiaires
Le risque plus élevé de catégories de placement telles que les actions s’atténue en fonction de la durée. Or, la prévoyance professionnelle est précisément une affaire de long terme. Même à travers la crise du coronavirus, la plupart des caisses de pension privées continuent ainsi d’afficher un taux de couverture solide et disposent de réserves de fluctuations suffisantes. Les caractéristiques structurelles sont décisives pour la stabilité d’une caisse de pension et pour la hauteur du taux d’intérêt. En général, plus la proportion de rentiers est faible, plus l’intérêt servi est élevé puisque les besoins en financement croisé des engagements de pension sont moindres. De plus, les taux de conversion de la partie surobligatoire sont plus faciles à maintenir.
Il est essentiel d’ouvrir aux caisses de pension des formes de placement alternatives en plus des actions. Parmi les catégories de placement intéressantes, on peut citer l’immobilier et le prêt hypothécaire suisses, l’immobilier étranger, les crédits d’entreprises et le capital-investissement (private equity). Tant que les conditions de la prévoyance professionnelle ne seront pas renouvelées de fond en comble, les caisses de pension devront analyser soigneusement leurs possibilités d’obtenir les rendements nécessaires.
■
Les assureurs complets n’ont pas la possibilité d’investir dans des actions