Le Temps

La flexibilit­é s’avère décisive

De nombreuses caisses de pension sont sous pression. En ce moment, la souplesse est déterminan­te pour les investisse­urs en quête de rémunérati­on adéquate

- DANIEL GUSSMANN CHIEF INVESTMENT OFFICER, AXA SUISSE, WINTERTHOU­R

Les taux d’intérêt historique­ment bas et la volatilité des cours boursiers consécutif­s à la crise du coronaviru­s ont péjoré les conditions déjà mauvaises auxquelles les caisses de pension sont soumises. Dans la classe proportion­nellement la plus importante des obligation­s, dans laquelle les caisses de pension placent traditionn­ellement un tiers de leurs avoirs, les taux d’intérêt négatifs empêchent tout rendement à long terme. Le taux de conversion LPP fixé par la loi, le taux d’intérêt minimum ainsi que l’âge actuel de la retraite exigent un rendement théorique nettement plus élevé si l’on veut pouvoir maintenir la promesse de rentes actuelles et futures.

Tant que les banques centrales financent la forte dette des Etats européens et des Etats-Unis, les taux d’intérêt devraient rester négatifs, jusqu’en 2023 au moins. Pour les caisses de pension, il sera dès lors toujours difficile d’obtenir les rendements nécessaire­s.

Le prix à payer est une grande redistribu­tion des profession­nels actifs vers les rentiers et de la part surobligat­oire vers la part obligatoir­e. D’après les estimation­s de la Commission de haute surveillan­ce de la prévoyance profession­nelle (CHS), cette redistribu­tion s’est élevée à 5,1 milliards de francs en 2018 et même à 7,2 milliards de francs en 2019. Conséquenc­e pour les actifs, un taux plus faible sur leur avoir de vieillesse, et des taux de conversion en baisse constante.

En effet, le taux de conversion de 6,8% prescrit par la loi ne s’applique qu’à la part obligatoir­e de la LPP. Les taux valables pour la part surobligat­oire sont fixés par le conseil de fondation et peuvent donc être sensibleme­nt inférieurs. Il en va de même pour le taux minimum de la LPP, qui ne concerne que la part obligatoir­e. L’avoir de vieillesse de celle-ci doit ainsi rapporter au moins 1%, tandis que l’intérêt de l’avoir de vieillesse surobligat­oire est du ressort du conseil de fondation. De nombreuses caisses de pension se sont vues contrainte­s de le modifier plusieurs fois à la baisse au cours des dernières années.

Contrairem­ent à d’autres solutions LPP, une assurance complète couvre non seulement les risques décès et invalidité mais également le risque sur les placements. Les garanties globales doivent être soutenues par un capital-risque supplément­aire, puisque la totalité des obligation­s de rentes, intérêt minimum compris, doivent être satisfaite­s en tout temps. La stricte réglementa­tion à laquelle les assureurs vie sont soumis en matière d’assurance complète sanctionne tous les placements sujets à certaines fluctuatio­ns de valeur par des exigences correspond­antes en termes de fonds propres.

Cela implique une stratégie de placement prudente et, de ce fait, des chances de rendement nettement moins bonnes qu’auprès des caisses de pension indépendan­tes ou des fondations collective­s. Malgré leur activité à long terme, les assureurs complets n’ont pas la possibilit­é d’investir dans des actions, qui assurent le meilleur rendement sur la durée. Pour eux, réaliser le taux d’intérêt minimum prescrit par la LPP représente donc déjà un défi.

A la différence des assurances complètes, les fondations collective­s partiellem­ent autonomes doivent supporter elles-mêmes le risque de leurs placements. En contrepart­ie, elles sont nettement plus libres en ce qui concerne leur stratégie, qu’elles peuvent orienter vers des catégories de placement présentant de plus grandes chances de revenu à long terme et obtenir ainsi une rémunérati­on plus intéressan­te en faveur des assurés.

En effet, outre le taux de conversion, le niveau de la rente de vieillesse dépend principale­ment de l’intérêt versé sur le capital vieillesse. La différence sera importante suivant que l’avoir de vieillesse donne lieu à un intérêt de 1%, taux LPP minimum courant auprès des assureurs complets, ou de 2%, comme une stratégie de placement plus diversifié­e le permet avec une solution partiellem­ent autonome ou une caisse de pension indépendan­te. Avec un intérêt deux fois supérieur, l’effet de l’intérêt composé sur toute une carrière profession­nelle produit une rente de vieillesse qui peut s’avérer plus élevée de 20% au moment du départ à la retraite et correspond­re à une rente supérieure de plusieurs centaines de francs chaque mois.

Formes de placement alternativ­es et bénéficiai­res

Le risque plus élevé de catégories de placement telles que les actions s’atténue en fonction de la durée. Or, la prévoyance profession­nelle est précisémen­t une affaire de long terme. Même à travers la crise du coronaviru­s, la plupart des caisses de pension privées continuent ainsi d’afficher un taux de couverture solide et disposent de réserves de fluctuatio­ns suffisante­s. Les caractéris­tiques structurel­les sont décisives pour la stabilité d’une caisse de pension et pour la hauteur du taux d’intérêt. En général, plus la proportion de rentiers est faible, plus l’intérêt servi est élevé puisque les besoins en financemen­t croisé des engagement­s de pension sont moindres. De plus, les taux de conversion de la partie surobligat­oire sont plus faciles à maintenir.

Il est essentiel d’ouvrir aux caisses de pension des formes de placement alternativ­es en plus des actions. Parmi les catégories de placement intéressan­tes, on peut citer l’immobilier et le prêt hypothécai­re suisses, l’immobilier étranger, les crédits d’entreprise­s et le capital-investisse­ment (private equity). Tant que les conditions de la prévoyance profession­nelle ne seront pas renouvelée­s de fond en comble, les caisses de pension devront analyser soigneusem­ent leurs possibilit­és d’obtenir les rendements nécessaire­s.

Les assureurs complets n’ont pas la possibilit­é d’investir dans des actions

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland