Le Temps

Stan Wawrinka, la force très tranquille

Le Vaudois a repris l’entraîneme­nt à haute intensité mais n’est pas pressé de rejouer. Non inscrit pour l’US Open, il assure que le tennis ne lui a pas manqué

- LAURENT FAVRE @LaurentFav­re

La dernière fois qu’on l’avait vu, c’était en février à Genève, chez un sponsor. Il s’apprêtait à partir au Mexique, prélude à la tournée américaine du printemps. Trois matchs à Acapulco et le tour tournait court. Le monde du tennis entrait en pandémie comme on plonge dans un trou noir.

Deux mois plus tard, Stan Wawrinka apparaissa­it sur les réseaux sociaux, souriant, détendu, concoctant des cocktails avec son ami Benoît Paire. Le tennis n’avait pas repris et, prévenait-il en mai dans L’Equipe, «il est possible qu’on ne rejoue plus en 2020».

Il semble que l’on finira par rejouer à partir du 22 août à New York (les filles de la WTA ont repris cette semaine à Palerme), avant le grand test de l’US Open à Flushing Meadows (du 31 août au 12 septembre). Le premier Grand Chelem de l’ère post-Covid a été maintenu au prix de conditions sanitaires extrêmemen­t strictes qui ont déjà découragé plusieurs joueurs de premier plan. Comme Ashleigh Barty, Jelena Ostapenko, Nick Kyrgios ou Rafael Nadal, Stan Wawrinka n’ira pas*.

Pourtant, il s’entraîne d’arrache-pied ce vendredi sous le soleil de midi. La chaleur et l’effort trempent son t-shirt, qu’il change souvent. Face à lui, sur le petit court central en terre battue du TC Nyon, le Français Pierre-Hugues Herbert, venu de Delémont en voiture parce que, par les temps qui courent, trois heures d’échanges intenses avec un partenaire de niveau mondial valent le déplacemen­t.

«Les émotions m’ont manqué, pas le tennis»

«Les sensations reviennent gentiment, se réjouissai­t Stan Wawrinka à l’issue de la séance, à laquelle il avait convié la presse nationale. Après une aussi longue pause, il faut se remettre dans le rythme.» Le triple vainqueur en Grand Chelem (Australian Open 2014, Roland-Garros 2015, US Open 2016) a longtemps laissé sa raquette dans la fourre, préférant profiter de cette pause imposée pour s’aérer l’esprit. «Les joueurs se plaignent toute l’année qu’ils jouent trop et là, à la première occasion, ils sont partis faire des exhibition­s, des tournois semi-officiels. J’ai trouvé cela un peu contradict­oire. Moi, sachant que nous n’allions pas rejouer avant longtemps, je n’ai rien fait pendant toute une période. Les deux premiers mois, j’ai dû toucher trois fois ma raquette. Et quand j’ai repris l’entraîneme­nt, ce n’était pas dans le but de rejouer très vite.»

Il l’assure pourtant, «la compétitio­n [lui] a davantage manqué que le tennis: les émotions, le stress, la joie, l’adrénaline, le partage avec le public». Mais pour le reste, Stan Wawrinka a fait contre mauvaise fortune bon coeur. «J’en ai profité pour retrouver une vie normale, voir ma fille régulièrem­ent, avoir la routine de M. Tout-le-monde.»

Plus que son âge (35 ans), c’est son palmarès qui lui a donné la maturité nécessaire dans cette période incertaine. «J’ai encore envie de jouer au tennis et si je me suis remis au travail, c’est dans l’optique d’un cycle long sur deux ou trois ans, mais quoi qu’il arrive, je sais que j’ai réussi ma carrière. Cela me donne une sécurité. Cette année de perdue est sans doute plus difficile à vivre pour des jeunes joueurs qui doivent faire leur place sur le circuit.»

Malgré le beau soleil nyonnais, il faut voir Stan Wawrinka comme marchant sereinemen­t dans le brouillard. Depuis des mois, les nouvelles se suivent et désassembl­ent ce que l’on tenait pour acquis auparavant. «Il n’y a pas de visibilité au-delà de la prochaine semaine», estime Stan Wawrinka, qui ne cogite pas «sur des questions auxquelles nous n’avons pas les réponses».

Reprise en Challenger à Prague

Il en savait suffisamme­nt cependant pour ne pas avoir envie d’aller disputer l’US Open. «Je n’ai pas envie d’être dans une bulle, de rester un mois dans un hôtel. Je comprends les décisions des organisate­urs mais je n’ai pas senti le besoin d’y aller et je suis à l’aise avec cette décision.» A la place, il s’est inscrit à Prague à deux tournois Challenger (une catégorie bien inférieure à celle à laquelle il peut prétendre) et y peaufinera sur terre battue sa préparatio­n pour Roland-Garros. «Si le tournoi a lieu», précise-t-il, avec toujours dans le regard cet éclat malicieux qui lui a permis de mener depuis tant d’années une carrière atypique et glorieuse.

* Roger Federer non plus, mais sur blessure

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