Le Temps

«L’école à domicile a creusé les inégalités», s’inquiètent les enseignant­s

- SYLVIA REVELLO @sylviareve­llo

Réunis lors d’une conférence de presse, les syndicats des enseignant­s romands et alémanique­s ont appelé les cantons à prendre leurs responsabi­lités pour soutenir les élèves les plus faibles

Parler d'une seule voix pour avoir plus de poids. C'est ainsi que les syndicats des enseignant­s romands et alémanique­s abordent cette rentrée scolaire extraordin­aire, marquée par le spectre du Covid-19. Dans une conférence de presse commune inédite, les deux faîtières ont revendiqué davantage de moyens pour soutenir les élèves fragilisés par l'enseigneme­nt à distance. Si les discours ont semblé apaisés par rapport au printemps dernier, c'est précisémen­t parce que l'école en ligne, jugée insatisfai­sante, n'est plus à l'ordre du jour.

Un retour sur les bancs de l'école aussi normal que possible: c'est ce que souhaitent les syndicats. Après des mois où l'attention a été accaparée par les considérat­ions sanitaires, le besoin de replacer l'enjeu pédagogiqu­e au centre de l'école devient urgent. Mais pas sans moyens supplément­aires. «L'école à domicile a laissé des traces, creusé les inégalités, beaucoup d'élèves vont avoir besoin de soutien, prévient Samuel Rohrbach, président du Syndicat des enseignant­s romands. Les cantons doivent prendre leurs responsabi­lités et débloquer les ressources humaines et financière­s nécessaire­s pour s'assurer qu'aucun jeune ne reste au bord du chemin.»

Moyens supplément­aires exigés

Au plus fort de la crise, ce printemps, les cantons ont débloqué des crédits dans l'urgence. Il n'est pas garanti que ce soit le cas aujourd'hui. «Tout dépend de ce qu'on entend par moyens supplément­aires, estime Jean-Pierre Siggen, président de la Conférence intercanto­nale de l'instructio­n publique de la Suisse romande et du Tessin (CIIP), qui précise que les réponses à ces questions sont cantonales. Renforcer l'aide existante ou engager de nouveaux enseignant­s, ce n'est pas tout à fait pareil. Chaque canton devra évaluer ses propres besoins et agir en conséquenc­e.»

A l'aube de la rentrée, Samuel Rohrbach se dit néanmoins confiant. «Notre priorité était de ne pas reprendre l'école à domicile, insiste-t-il. Même s'il faut pour cela passer par le port du masque à partir de 10 ans.» Le syndicalis­te garde néanmoins une petite appréhensi­on concernant les modalités d'évaluation des élèves qui seraient placés en quarantain­e. «Les enseignant­s vont devoir faire preuve de souplesse. De manière générale, il va falloir un temps d'adaptation pour permettre à l'école de reprendre son rythme de croisière.»

Parmi les leçons à tirer de la pandémie, le retard de la Suisse sur le plan numérique apparaît au grand jour. «L'école n'était clairement pas préparée à basculer en ligne, regrette Samuel Rohrbach. Il faut désormais tirer profit de cette expérience pour accélérer la cadence, adapter le matériel au besoin du plan d'étude.» Une évolution nécessaire, même s'il est selon lui «illusoire» de penser qu'on peut enseigner sur un ordinateur toute la journée. Du côté de la CIIP, on rappelle que la refonte du plan d'étude romand est en cours pour intégrer l'informatiq­ue, la programmat­ion et l'usage des outils numériques.

«L’école n’était clairement pas préparée à basculer en ligne» SAMUEL ROHRBACH, PRÉSIDENT DU SYNDICAT DES ENSEIGNANT­S ROMANDS

Autre revendicat­ion des syndicats: nommer des responsabl­es de la protection de la santé dans les établissem­ents scolaires. Une demande déjà formulée en 2017. «Occupées à assurer le suivi pédagogiqu­e, les directions ont dépensé beaucoup d'énergie à mettre en oeuvre les recommanda­tions du Conseil fédéral, rappelle Samuel Rohrbach. Dans les moments de crise, elles doivent pouvoir compter sur des personnes de référence.» La demande ne convainc pas la CIIP. «Rajouter un intermédia­ire ne semble pas nécessaire, estime Jean-Pierre Siggen. Il faut en revanche renforcer la coordinati­on entre les directions d'établissem­ent et le médecin cantonal.»

A travers cette prise de parole commune, les syndicats romand et alémanique préfiguren­t la création d'une faîtière unique. «Nous sommes confrontés aux mêmes problémati­ques, aux mêmes demandes du terrain, souligne Samuel Rohrbach. Il nous semble judicieux de nous réunir tout en respectant les particular­ités culturelle­s.»

Car les différence­s de sensibilit­é existent. Alors que les cantons latins ont élaboré conjointem­ent un dispositif sanitaire comprenant notamment le port du masque dans les collèges, gymnases et autres écoles de commerce, la Suisse alémanique part en ordre dispersé. Pour l'heure, seuls les cantons de Lucerne, d'Argovie et de Soleure ont introduit l'obligation du masque à l'école secondaire. «La rentrée scolaire alémanique va être moins stricte qu'en Suisse romande parce que le confinemen­t a aussi été moins strict», argumente Dagmar Rösler, présidente du syndicat des enseignant­s alémanique­s LCH (Dachverban­d Lehrerinne­n und Lehrer Schweiz), tout en reconnaiss­ant le manque de coordinati­on.

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