De possibles cadavres dans les portefeuilles des assureurs?
Les actions des assureurs souffrent durement de la pandémie, mais pour des raisons qui ne sont pas directement liées au Covid-19, ainsi que devraient en témoigner jeudi les résultats semestriels de Zurich et de Swiss Life
Les actions des assureurs sont au plus mal. Helvetia a perdu 39% depuis le début de l’année, Swiss Re 34%, Swiss Life 30%, Vaudoise 21%. Leur rendement est inférieur à l’indice des actions suisses (SPI -2%). Ces replis traduisent-ils l’existence de risques jusqu’ici inconnus du public? Les résultats semestriels de l’assureur-vie Swiss Life et du deuxième groupe d’assurances européen, Zurich, présentés jeudi, permettront-ils de rassurer les investisseurs?
Le coût du Covid-19
A ce jour, 33% des assureurs européens ont présenté un bénéfice intermédiaire meilleur que prévu et 50% un résultat inférieur aux attentes, selon une étude de Morgan Stanley. Les leaders n’ont pas manqué ce rendez-vous. Allianz, le numéro un du marché, et Axa, le troisième derrière Zurich, ont dépassé les attentes en termes de bénéfice. Mais la pandémie a laissé des traces dans leurs comptes. Pour l’ensemble du premier semestre, le coût des sinistres liés au Covid-19 (assurance pertes d’exploitation et annulation d’événements) s’est élevé à 1,5 milliard d’euros (1,6 milliard de francs) pour Axa et 1,2 milliard pour Allianz.
«Les pertes des actions d’assurance sont moins fonction des sinistres dus au coronavirus qu’aux craintes d’amortissement sur les portefeuilles obligataires des sociétés», révèle Simon Fössmeier, analyste en assurances auprès de Vontobel. Les assureurs détiennent en effet une large proportion de leurs investissements en obligations d’entreprises.
A la fin de 2019, les placements du groupe Zurich s’élevaient à 205 milliards de dollars (187 milliards de francs). Une détérioration de la note du crédit des entreprises contenues dans le portefeuille peut impacter le bénéfice. Selon le rapport de gestion 2019, les crédits et dettes privées représentent 44% des investissements. Swiss Life, dont les placements atteignent 171 milliards de francs à la fin de 2019, investit 26,7% de ses actifs en obligations d’entreprises.
«A la présentation des résultats, je serai très attentif aux déclarations de la direction sur le portefeuille obligataire», déclare Simon Fössmeier. L’analyste se dit moins inquiet pour les assureurs dont les activités sont fortement concentrées sur la Suisse, comme Helvetia, que pour les groupes internationaux. «L’incertitude porte notamment sur le risque d’amortissement du groupe Zurich dans les obligations d’entreprises américaines et brésiliennes», affirme Simon Fössmeier.
Les engagements des groupes financiers en Turquie sont également analysés de près au moment où la livre turque, plombée par la dette en devises étrangères, est tombée à son plus bas historique. Axa, Allianz, l’espagnol Mapfre et Zurich pourraient être pénalisés, selon une note de John Plassard, conseiller en investissements auprès de Mirabaud.
Les actions des assureurs souffrent aussi de caractéristiques propres à leur secteur. «Les valeurs cycliques de l’industrie sont davantage appréciées des investisseurs que les assurances pour profiter d’une reprise économique», conclut Simon Fössmeier. Les assurances suisses ont toutefois «trop fortement baissé dans la mesure où leur bilan est solide. Elles n’auront pas besoin de prendre des mesures pour renforcer leurs fonds propres» [lesquelles auraient pesé sur les cours, ndlr], selon Simon Wespi, analyste en assurances auprès d’Albin Kistler.
Swiss Life et l’immobilier
Swiss Life, l’une des actions les plus faibles de l’année, souffre également des craintes d’une baisse des prix de l’immobilier et des concessions aux locataires. Mais l’impact de telles mesures sera «très modeste sur les comptes», avance Simon Fössmeier. Le marché immobilier se révèle en effet résistant.
Le groupe de Patrick Frost a même accru ses achats ces derniers mois. Au début de juillet, l’assureur, par ailleurs premier propriétaire immobilier privé du pays, a racheté à Migros le plus grand centre commercial suisse, à Glatt près de Zurich (595 millions de francs de chiffre d’affaires, soit 60% de plus que Balexert). Le montant n’a pas été dévoilé, mais certaines sources évaluent la transaction à 1 milliard de francs. Simon Wespi qualifie le titre de «très intéressant», notamment en raison du renforcement des activités de commissions (asset management). L’analyste estime par contre «trop cher le titre Zurich, même si la stratégie est convaincante».
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«L’incertitude porte notamment sur le risque d’amortissement du groupe Zurich dans les obligations d’entreprises américaines et brésiliennes» SIMON FÖSSMEIER, ANALYSTE EN ASSURANCES AUPRÈS DE VONTOBEL