Le Temps

GÉOPOLITIQ­UE DU FRUIT

Le fruit d’Amérique centrale pousse désormais à travers les tropiques, où il consomme énormément d’eau. Son impact sur l’environnem­ent est d’autant plus néfaste qu’il n’a jamais été tant prisé, notamment en Suisse

- RICHARD ÉTIENNE @RiEtienne

Rien n’arrête l’avocat, pas même une pandémie

S’il est un fruit qui a la cote, c’est bien l’avocat. Chaque année depuis 2003, la Suisse en importe davantage, dans une spirale spectacula­ire: en 2003, 3,4 millions de kilos de cette denrée exotique riche en potassium avaient été acheminés sous nos latitudes, un chiffre qui a franchi la barre des 16 millions l’an dernier. Depuis six mois, la hausse est plus folle encore. Rien n’arrête les avocats, pas même la pandémie.

Pour s’assurer qu’ils arrivent tout au long de l’année, c’est tout un calendrier logistique: l’automne et l’hiver, ils proviennen­t d’abord du Chili et du Pérou, l’été du Pérou et le printemps d’Espagne. En 2019, ils ont fait le voyage depuis quarante pays, des contrées susmention­nées mais aussi d’Israël, du Mexique, ou encore d’Afrique du Sud. Les exportatio­ns suisses? Minimes, on consomme tout sur place, entre salades et guacamoles.

Les tarifs sont historique­ment hauts: à 3,95 francs le kilo (selon nos calculs, à partir des données douanières) en mai, on a atteint un record en Suisse. A l’internatio­nal aussi, les prix flambent, les gens confinés en ayant beaucoup acheté, selon Bloomberg.

Mais les écologiste­s ne peuvent les savourer la conscience tranquille. Car bio ou non, l’avocat est un boit-sans-soif: pour un kilo de salade, il faut compter 130 litres d’eau, un chiffre qui grimpe à 180 pour autant de tomates. Pour un kilo d’avocats, on flirte avec les 1000 litres, or dans les pays producteur­s, l’eau manque souvent.

Les fruits sont en général triés – au moindre défaut on les jette – puis stockés dans un conteneur réfrigéré à 4,5 degrés, où le taux d’humidité et la concentrat­ion de CO2 sont strictemen­t contrôlés. En camion, en bateau, puis à nouveau en camion, les caisses sillonnent la planète avant que les denrées climactéri­ques ne soient placées en mûrisserie et triées une nouvelle fois. Côté parcimonie alimentair­e, on repassera.

Comment être sûr que les avocats sur les étalages n’ont pas été arrosés de pesticides? «La liste des principaux pays d’origine des avocats nous donne déjà des éléments de réponse», relève Géraldine Viret, porte-parole de l’ONG Public Eye. Au Brésil, un tiers des pesticides autorisés dans l’agricultur­e sont interdits en Europe; au Chili, de nombreux pesticides nocifs demeurent autorisés, idem au Pérou. Une situation à l’origine de deux interpella­tions à Berne, portant sur les résidus de pesticides dans les aliments et sur les exportatio­ns de pesticides interdits. Elles ont été déposées par des députées vertes en mai.

Prochain épisode le mardi 18 août

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