Le Temps

ON THE ROAD

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Chez les amish de Pennsylvan­ie Sur le parking du supermarch­é de New Holland, une petite place à part: celle pour les buggies des amish. Un cheval est là, devant sa calèche noire. Une famille avec cinq enfants vient d’en sortir. «Pick up after your horse»

(«Nettoyez après le passage de votre cheval»), précise un panneau, à côté d’un seau et d’une pelle. Sur les 300 000 amish d’Amérique, près de 75 000 vivent en Pennsylvan­ie. La plus grande partie se trouve dans le comté de Lancaster.

Des racines suisses

Ici, en pays amish, à trois heures de route seulement de New York, on se laisse pousser la barbe depuis le mariage et les femmes portent de longues robes et de petites coiffes en tissu. Les familles ont huit enfants en moyenne, qui quittent généraleme­nt l’école à 14 ans. Pour croiser les buggies, il faut sortir de Lancaster, et prendre des petites routes de campagne, au milieu de champs et d’immenses fermes. Certaines localités ont des noms inattendus, comme Bird-in-Hand. Ou Intercours­e (rapports sexuels, en anglais), terme qui, en 1814 quand l’endroit a été rebaptisé, renvoyait probableme­nt à sa situation géographiq­ue, au croisement de deux rues. Aujourd’hui, la pancarte est presque devenue une attraction touristiqu­e à elle seule.

Les amish rejettent toute forme de modernité. Leur maxime? «Tu ne te conformera­s point à ce monde qui t’entoure.» Pas de voitures ni d’électricit­é, ou à de rares exceptions près. Dans les champs, les chevaux tirent les machines agricoles, et sur les routes les calèches noires ont des versions mini, pour les enfants: des carrioles tirées par des poneys.

Les amish descendent d’une communauté anabaptist­e fondée par le Bernois Jakob Amman au XVIIe siècle et sont le résultat d’un schisme. Des groupes ont d’abord émigré vers la France et les Pays-Bas, puis vers l’Amérique du Nord, au début du XIXe siècle. Dans la région de Lancaster, amish et mennonites, plus progressis­tes et reconnaiss­ables notamment à leurs habits plus clairs, cohabitent.

Les urnes boudées

S’ils vivent un peu dans leur monde – ils ne cotisent pas à la sécurité sociale et ne reçoivent rien à la retraite car ils préfèrent compter sur l’entraide au sein de la communauté –, les amish sont très accueillan­ts. Mais quand on tente d’évoquer des sujets politiques, c’est souvent un sourire gêné que l’on obtient en retour. Car les amish sont connus pour peu voter. Leur vie simple, sans télévision ni internet, est à mille lieues des agitations de Washington et des coups de théâtre de Donald Trump. Conservate­urs, ils auraient tendance à voter républicai­n. Or la Pennsylvan­ie fait partie de ces Etats pivots, ou swing states, capables de basculer dans le camp opposé d’une élection à l’autre.

En 2016, Donald Trump y avait fait campagne en promettant de remettre l’industrie du charbon sur les rails. Il a remporté le vote de l’Etat, mais aujourd’hui des mineurs déchantent et les jeux sont loin d’être faits. Chaque vote compte. C’est dans ce contexte qu’en décembre dernier une délégation d’amish, dont deux membres originaire­s de Pennsylvan­ie, a été accueillie par Donald Trump à la Maison-Blanche. Du jamais-vu depuis la Première Guerre mondiale, quand un amish avait participé à une cérémonie religieuse. Les républicai­ns multiplien­t les efforts en pays amish pour les inciter à voter. Vont-ils parvenir à les détourner des travaux des champs? Pas sûr que le succès escompté soit au rendez-vous.

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