Bex & Arts, l’air industriel
EXPOSITION La 14e édition de la triennale de sculpture contemporaine Bex & Arts a pour thème l’industrie. Il y est principalement question de l’empreinte de l’homme sur son environnement
Balade artistique dans le parc de Szilassy à Bex, où, dans le cadre de la triennale de sculpture contemporaine, 34 artistes invitent le promeneur à découvrir leurs oeuvres autour de la thématique «Industria». Comme ici «Skybirds», une installation de Joëlle Allet, réalisée à l’aide de cerfs-volants.
Au fond d’un champ, des oiseaux géants semblent prendre leur envol. Ils sont zébrés, comme au garde-à-vous. Joëlle Allet a réalisé cette installation, Skybirds, à l’aide de cerfs-volants. Non loin de là, au sommet d’une petite butte, Anne Blanchet a conçu Lumen XXV avec ces bandes de plastique jaunes que les paysans utilisent pour éloigner les oiseaux. La proximité de ces deux propositions artistiques, qui trônent fièrement au coeur du parc de Szilassy, sur les hauteurs de Bex, pousse à réfléchir sur la manière dont l’homme a toujours tenté de maîtriser la nature – parfois jusqu’à la détruire.
En s’approchant de Lumen XXV, on peut alors observer le paysage environnant par strates, comme si les bandes de plastique le découpaient. Il y a là quelque chose de ludique, l’impression, aussi, de pouvoir finalement mieux observer. Cette dimension ludique, au-delà d’oeuvres qui interpellent plus frontalement, a toujours été au coeur de la démarche de Bex & Arts, triennale de sculpture contemporaine qui se déploie cette année jusqu’au 18 octobre. Thème de sa 14e édition: «Industria».
Directrice artistique de la manifestation depuis 2017, Catherine Bolle note, dans le catalogue d’exposition, que les liens entre art et industrie ont toujours été étroits. Et de citer la démarche de Jean Tinguely, de Niki de Saint Phalle ou de Bernhard Luginbühl,
que l’adjectif «industriel» n’a jamais rebutés.
Trente-quatre artistes ont cette année été conviés à la triennale. A compter de cet été, un extra-Européen figurera à chaque édition au programme. Le Chinois Shi Zhongying devait présenter The Fourth Apple, une statue en bronze d’un homme en train de méditer. Placé à l’intérieur de cette structure sculptée en creux, reprenant la notion bouddhiste de vide, terme intégrant à la fois le visible et l’invisible, car tout est par essence interdépendant, un pommier devait peu à peu envahir l’oeuvre… Ce n’est finalement qu’une photographie qui s’offre au regard des promeneurs: la pandémie de Covid-19 a rendu impossible le transport de cette pièce imposante dont on se dit qu’elle demeure, à distance, un beau symbole de résilience.
Pentagone de bouteilles vides
Au-delà des liens entre art et industrie, plusieurs installations semblent questionner, on y revient, l’empreinte humaine. Nora Schmidt, dans une intervention tout en finesse visible à plusieurs endroits du parc de Szilassy (Aveugle), recouvre les cicatrices des arbres d’une plaque en aluminium. Les stigmates des coupes réalisées par la main humaine deviennent alors des miroirs proposant de beaux effets de lumière. Antenne géante en acier, 50 G voit Denis Roueche évoquer de manière littérale la manière dont l’essor de la technologie a depuis les débuts de l’ère industrielle profondément transformé le paysage. Eva Theytaz propose de son côté, avec Inverse, une mosaïque en forme de pentagone constituée de centaines de bouteilles en verre plantées à l’envers dans le sol. Le soustexte écologique est évident, comme lorsque Beatrix Sitter-Liver place à même le sol plusieurs Flaques en bois laqué et polystyrène pour symboliser l’assèchement des sols.
D’autres propositions sont plus mystérieuses. Deux robes rouges figées, l’une debout, l’autre volant dans les arbres (Anja Luithle, Twins, die Stehende, die Schwebende) paraissent privées des princesses – ou sorcières, c’est selon – qui les habitaient. Un sort invisible semble les lier. Ailleurs, sous les branches d’un arbre imposant, un mannequin, aiguille géante à la main, est ligoté par un épais cordage (Nicole Dufour, Maîtrise). «Cette sculpture est une revendication du féminin, du sacré», écrit l’historienne de l’art Nayansaku Mufwankolo. Placé à l’entrée mais à visiter plutôt en fin de parcours, Le Quartier des fous est un vaste cube accroché à la pente. Une fois à l’intérieur, la notion de gravité et d’équilibre est mise à mal par la manière dont Olivier Estoppey brouille nos repères physiques à l’aide de perspectives biaisées. Son imposant bloc de ciment ne semble pas à sa place, incarnant parfaitement les dérives de l’industrialisation.
Une fois à l’intérieur du cube, la notion de gravité et d’équilibre est mise à mal