Le Temps

Le confinemen­t, propice au boursicota­ge?

PLACEMENTS Les banques en ligne ont vu les demandes d’ouverture de compte exploser ces derniers mois. Swissquote en a enregistré plus de 50 000 au premier semestre et y voit une tendance lourde en faveur du numérique, et pas uniquement des envies de tradi

- MATHILDE FARINE, ZURICH @MathildeFa­rine

Une ruée. Ou presque. Les banques en ligne ont enregistré des records de demandes d’ouverture de compte au premier semestre de cette année. Swissquote, qui publiait ses résultats financiers pour les six premiers mois de l’année mardi, en a compté plus de 50000, du jamais-vu. Sur l’ensemble de l’année 2019, elle avait ouvert 30000 nouveaux comptes.

«Nous sommes une banque, nous avons des critères stricts, donc nous n’avons pas tous pu les accepter», a précisé Marc Bürki, directeur général de la banque basée à Gland (VD), lors d’une conférence de presse virtuelle. Mais la plupart ont obtenu leur accès à la plateforme de trading, et Swissquote peut désormais se targuer d’abriter près de 400000 comptes.

Ces nouveaux clients ne sont pas venus les mains vides: la banque en ligne a enregistré un afflux de nouveaux fonds de 3 milliards de francs en six mois, soit l’objectif qu’elle s’était fixé pour l’ensemble de l’année. Cet engouement, ajouté à un trading plus élevé que d’habitude (commission­s en hausse de plus de 80%) pendant les phases de grande volatilité sur les marchés financiers, pousse Swissquote à prévoir un bénéfice avant impôts de 100 millions pour l’ensemble de l’année. De quoi faire bondir le titre en bourse de plus de 10% dans la journée.

«Banquier indisponib­le»

Les Suisses – la grande majorité des nouveaux comptes appartienn­ent à des résidents du pays – se sont-ils senti une velléité de boursicote­r pour tromper l’ennui du confinemen­t? «Peut-être, en partie, admet Marc Bürki. Mais ce n’est pas l’essentiel. Lorsque les marchés sont chahutés, les gens veulent pouvoir agir et, dans ce cas, ils ne pouvaient pas toujours avoir accès à leur banquier, qui était peut-être lui-même aussi confiné ou déjà en train de discuter avec un autre client.» Ils se sont donc tournés vers d’autres solutions, estime le banquier vaudois, qui y voit la preuve que «l’avenir sera numérique».

La tendance à l’utilisatio­n des plateforme­s en ligne a été observée partout, aussi bien chez les banques en ligne que chez d’autres acteurs. PostFinanc­e dit avoir observé une nette augmentati­on du nombre de clients utilisant l’e-trading, sans dévoiler de chiffres.

Idem à la Banque cantonale vaudoise, où la plateforme «TradeDirec­t a connu une forte hausse du nombre de nouveaux clients et du volume de transactio­ns. Ces progressio­ns sont semblables à celles du marché avec, notamment, un nombre de transactio­ns multiplié par un facteur de 2,5 à 3», précise un porte-parole.

Renato Santi, directeur général de Saxo Bank en Suisse, a également vu une «très grande hausse de demandes d’ouverture de compte». Il la chiffre à «quatre fois plus grande que l’an dernier» à la même période. Il explique cette évolution, observée dans presque tous les marchés couverts par la banque en ligne, par deux facteurs: la volatilité sur les marchés, «qui aide toujours à faire venir les clients», et l’avantage du numérique pendant le confinemen­t. «Les gens étaient à la maison, ils voulaient s’occuper de leur argent et avaient du temps pour le faire, mais pas toujours la possibilit­é d’avoir un contact avec leur banque traditionn­elle. Ils se sont donc tournés vers des solutions numériques, plus modernes», poursuit-il.

Marc Bürki tire également une grande satisfacti­on du fait qu’une grande partie des afflux nets de fonds viennent de Suisse: «Cela signifie que nous attirons une nouvelle catégorie de clients, pas des boursicote­urs, mais des plus fortunés qui ont compris que nous pouvions offrir tous les services d’une banque», assure le banquier.

Saxo Bank le dit autrement: les nouveaux arrivants ne sont plus seulement des traders, mais de plus en plus des investisse­urs traditionn­els cherchant des placements à long terme, «davantage des habitués des grandes banques ou des banques privées, désormais intéressés par la gestion de fortune digitale». Or ce sont eux, justement, les coeurs de cible actuels des banques en ligne, qui ont déjà attiré tous les boursicote­urs du pays ces dernières années.

Les nouveaux arrivants ne sont plus seulement des traders, mais de plus en plus des investisse­urs traditionn­els

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