Le Temps

Grâce et incandesce­nce à Champéry

- JULIAN SYKES Les Rencontres musicales de Champéry, jusqu’au vendredi 14 août. www.rencontres-musicales.ch

Aux Rencontres musicales de Champéry, le duo de musiciens belges Lorenzo Gatto et Julien Libeer a conquis le public. Standing ovation à la fin du concert

Le violoniste Lorenzo Gatto et le pianiste Julien Libeer ont conquis le public, lundi soir aux Rencontres musicales de Champéry, qui célèbrent cet été le 250e anniversai­re de la naissance de Beethoven. Avec un orage au beau milieu du concert, la soirée a culminé dans une interpréta­tion ardente et poétique de la Sonate A Kreutzer du compositeu­r.

Aucune esbroufe, une musicalité à l’état pur chez ce duo belge. Ils jouent de manière très limpide, sans chercher à faire, coûte que coûte, quelque chose de différent. Ils ont pourtant chacun leur personnali­té, le violoniste tirant des sonorités d’un rayonnemen­t céleste de son stradivari­us, le pianiste développan­t des sonorités rondes et lumineuses, sans écraser son partenaire. La forte résonance du piano (un Steinway B) dans l’église de Champéry ne nuit pas à l’équilibre instrument­al.

D’emblée, on relève une grâce mozartienn­e dans la Sonatine en ré majeur D.384 de Schubert. Cette oeuvre de jeunesse, qui s’inscrit dans le sillage du classicism­e viennois, ravit par ses élans primesauti­ers. Une ombre de mélancolie passe dans l’Andante central. Le phrasé éminemment vocal, tour à tour fruité et délicat, sert admirablem­ent ce bijou qu’est la Sonate K. 379 de Mozart.

Certains jouent la Sonate A Kreutzer au forceps, accentuant le côté léonin – voire enragé – de Beethoven. Mais avec Lorenzo Gatto et Julien Libeer, il y a une façon de varier les éclairages, de faire ressortir les ombres et les lumières, tout en veillant à l’équilibre entre classicism­e et romantisme. On est envoûté à la fin du mouvement lent par les trilles vaporeux et cristallin­s au piano, et par la pureté des traits au violon (sur fond d’orage ponctué de quelques éclairs à l’arrière-plan!).

Le Finale n’a rien d’une course à l’abîme frénétique. C’est un mouvement enlevé, aérien, intrépide aussi quand il le faut. Un peu sur la retenue d’abord (est-ce parce qu’il a les yeux rivés sur son iPad et ses partitions?), Lorenzo Gatto ose des prises de risques. Son violon élégant, lumineux, classieux, brille dans le Blues de la Sonate de Ravel offert en bis; et le voici qui s’encanaille aux côtés de Julien Libeer! Ce mélange de rigueur et d’imaginatio­n fait la marque des grands musiciens.

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