Accueil controversé pour le vaccin russe
La Russie a annoncé mardi avoir créé le «premier» vaccin contre le Covid-19 et vouloir le mettre en production dès septembre. Plus de 1 milliard de doses auraient été précommandées par une vingtaine de pays, affirment les responsables russes. Du côté de la communauté scientifique étrangère et de l’OMS, le doute est de mise
ATS
Le président russe, Vladimir Poutine, a annoncé mardi que la Russie avait développé le «premier» vaccin contre le Covid-19. Cette affirmation doit encore être vérifiée indépendamment et scientifiquement, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). L’annonce russe et l’ambition de mettre en production le vaccin dès septembre interviennent alors même que les essais ne sont pas terminés. La phase 3, auprès de milliers de sujets, ne commence que mercredi.
Testé par la fille de Poutine
Ayant baptisé le vaccin «Spoutnik V» [V comme vaccin, ndlr], la Russie témoigne de son ambition en la matière, en référence à la victoire politico-scientifique qu’avait représentée la mise en orbite du satellite du même nom en pleine guerre froide. «Pour la première fois au monde, un vaccin contre le Covid-19 a été enregistré», s’est félicité Vladimir Poutine, ajoutant qu’«il donne une immunité durable» et que l’une de ses filles se l’était fait inoculer.
Le vaccin, dont le président russe avait fait une priorité, a été développé par le centre de recherche en épidémiologie et microbiologie Nikolaï Gamaleïa, avec le Ministère russe de la défense. «Plus de 1 milliard de doses» ont été précommandées par 20 pays étrangers, a affirmé Kirill Dmitriev, patron du fonds souverain impliqué dans le développement du vaccin. Il n’a pas précisé la liste des Etats mais a parlé de «l’intérêt» des Emirats arabes unis, de l’Arabie saoudite, de l’Indonésie, des Philippines, du Brésil ou encore de l’Inde.
Protocoles pas respectés
Ce vaccin est à vecteur viral, c’est-à-dire qu’il utilise comme support un autre virus qui a été transformé et adapté pour combattre le Covid-19. Il utilise l’adénovirus, une technologie également choisie par l’Université d’Oxford. Depuis le début des recherches, l’institut Gamaleïa est cependant accusé de rompre avec les protocoles habituels pour accélérer le processus scientifique. Et jusqu’ici, la Russie n’a pas publié d’étude détaillée permettant de vérifier indépendamment ses résultats. Mardi, l’OMS a donc affirmé qu’avant toute «pré-qualification» de sa part, elle devait examiner par des «procédés rigoureux» l’ensemble des données «recueillies lors d’essais cliniques».
Du côté de la communauté scientifique étrangère, le doute était de mise. Le professeur François Balloux, de l’institut de génétique de l’University College London, a jugé «inconsciente et insensée» l’annonce russe, car tout produit n’ayant pas été «testé de manière appropriée […] pourrait avoir des conséquences désastreuses». Avant même ces critiques, les responsables de recherche russes ont condamné «des attaques médiatiques coordonnées» contre leur vaccin.
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