Le Temps

L’étude qui vise Karin Keller-Sutter

- MICHEL GUILLAUME, BERNE @mfguillaum­e

La libre circulatio­n des personnes a appauvri les Suisses, dont le PIB par tête d’habitant a baissé, affirme un institut de recherche londonien. Ses mandataire­s en profitent pour fustiger la campagne de la conseillèr­e fédérale

Selon le dernier sondage du groupe Tamedia, l’initiative de l’UDC exigeant que la Suisse redevienne pleinement souveraine en matière d’immigratio­n est mal partie: ses partisans ont 15 points de retard. Ils n’en sont que plus virulents. Ils ont publié une étude de l’institut de recherche londonien Europe Economics, mandaté par la Fondation pour une politique bourgeoise. Celle-ci démonte «le mythe» entretenu par le Conseil fédéral, qui prétend que la voie bilatérale est à la source de la prospérité helvétique. L’associatio­n

faîtière Economiesu­isse rejette totalement ses conclusion­s.

«La campagne indigne» du Conseil fédéral

C’est la première fois que cette Fondation pour une politique bourgeoise, dont le but est d’apporter un soutien financier à l’UDC, apparaît en public. Les membres de son conseil, présidé par Toni Brunner, étaient connus, mais pas ses activités. En finançant cette étude – dont le coût n’a pas été dévoilé –, elle jette un pavé dans la mare du Conseil fédéral. «Le gouverneme­nt, en particulie­r Karin Keller-Sutter, mène une campagne indigne de notre démocratie», n’a pas hésité à affirmer le conseiller national (et banquier) Thomas Matter (UDC/ZH).

Le 27 septembre prochain, le peuple devra se prononcer sur une initiative visant à résilier l’accord sur la libre circulatio­n des personnes (ALCP), qui est lié par une clause guillotine aux six autres accords des bilatérale­s I, lesquels pourraient donc devenir caducs par effet domino. Face à ce risque mis en exergue par le Conseil fédéral, la fondation brandit une étude qui le minimise totalement.

Selon l’auteur de l’étude, Andrew Lilico, seuls deux des sept accords du premier paquet se sont révélés positifs pour la Suisse: ceux relatifs à la suppressio­n des obstacles techniques au commerce et au transport aérien. En revanche, l’ALCP annule largement ces bénéfices. Pire: «Il a appauvri les Suisses, dont le PIB par tête d’habitant aurait pu être plus élevé de 3500 francs par an sans cet accord.»

L’explicatio­n? En recourant plus que de raison à la main-d’oeuvre bon marché de l’UE, les entreprise­s suisses ont retardé une modernisat­ion de leurs structures qui leur aurait offert une hausse de la productivi­té. Ce n’est pas tout. Andrew Lilico estime que la situation s’aggravera à l’avenir, après que la Grande-Bretagne aura quitté l’Union. «La pression migratoire n’en sera que plus grande sur l’Europe des 27 et sur la Suisse», avertit-il.

Contactée, Economiesu­isse doute du sérieux de cette étude. «Les principaux résultats soit sont incompréhe­nsibles, soit se réfèrent de manière sélective à des chiffres clés d’études dépassées», réagit Rudolf Minsch, économiste en chef de l’associatio­n faîtière. Selon ses calculs, celle-ci estime que sans les accords bilatéraux I, «chaque personne en Suisse aurait un revenu plus faible»: entre 1900 et 3400 francs de moins par an.

Alors que les partisans de l’initiative assènent que le pouvoir d’achat de la population a baissé depuis l’entrée en vigueur de l’ALCP, Economiesu­isse dément une fois encore. «D’une part, les salaires réels ont augmenté et, d’autre part, le franc suisse s’est beaucoup renforcé, de sorte que les produits importés et les vacances à l’étranger sont devenus beaucoup moins chers pour la population suisse.»

«Les principaux résultats soit sont incompréhe­nsibles, soit se réfèrent de manière sélective à des chiffres clés d’études dépassées» RUDOLF MINSCH, ÉCONOMISTE EN CHEF D’ÉCONOMIESU­ISSE

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