«Bien sûr, je suis inquiet pour le football suisse professionnel»
Président de l’Association suisse de football, Dominique Blanc fait le point sur la gestion de la crise sanitaire. Et prévient: si la situation ne s’améliore pas rapidement, tout le système vacillera sur ses fondations, à commencer par la formation
Young Boys vient d’être sacré champion de Suisse, la Coupe ne se terminera qu’à la fin du mois, mais la saison 2020-2021 du football suisse commence déjà ce week-end avec les premiers matchs du championnat de Promotion League (troisième division).
C’est là, dans l’antichambre du professionnalisme, que la grogne a été la plus virulente quant à la gestion de la crise par les instances nationales: Yverdon Sport et Rapperswil-Jona, qui aspiraient à une promotion en Challenge League, ont fait recours contre l’interruption de leur saison devant le Tribunal arbitral du sport – sans succès. Alors que ces deux clubs, et leurs concurrents, vont retrouver le terrain, le président de l’Association suisse de football (ASF), Dominique Blanc, rencontré au siège de l’organisation basée à Muri (BE), défend son action et dit ses craintes pour la suite.
Comment évaluez-vous, à ce stade, la gestion de la crise par les autorités du football suisse?
Nous avons tenu compte des impératifs sanitaires et des recommandations des autorités pour prendre toutes nos décisions. Je crois que nos positions ont été bien comprises par la famille du football. Il fallait tout faire pour terminer la saison dans les divisions professionnelles et nous y sommes parvenus, tandis que l’arrêt des championnats amateurs a finalement fait peu de remous. Nous sommes convaincus que nous avons pris des décisions justes et réglementaires pour l’ensemble du football suisse. Une trentaine de nos 1400 clubs ont réagi, nous avons pris contact avec eux et nous nous sommes expliqués. Il y a eu quelques mécontentements médiatisés, notamment en Suisse romande, mais nous n’avons eu que deux recours au final. En France, il y en a eu 120.
Il y a notamment le cas d’Yverdon Sport, qui filait droit sur la Challenge League et le professionnalisme, et qui repart ce week-end pour une année en Promotion League…
Je comprends et je respecte la frustration d’Yverdon. Mais il était impossible de faire une exception sans risquer de voir les procédures se multiplier. La Promotion League est reconnue comme une ligue amateur, les championnats amateurs ont été interrompus, il n’y avait aucun critère pour permettre à cette équipe de monter. Je reconnais que c’est malheureux. Je l’ai dit au président Mario Di Pietrantonio: son club est une victime du Covid-19. Comme je l’ai été à titre personnel en attrapant le virus…
N’y avait-il pas là une occasion d’augmenter le nombre d’équipes en Super League à 12 et de faire monter Yverdon et Rapperswil en Challenge League?
Des propositions d’extension de l’élite à 12 ou même à 14 formations ont été faites, discutées, soutenues par plusieurs équipes professionnelles romandes, mais rejetées. Et la Swiss Football League est autonome dans la gestion de ses compétitions.
Etes-vous inquiet pour l’avenir du football suisse?
Bien sûr, surtout au niveau professionnel. Si les clubs ne retrouvent pas rapidement des recettes régulières, ils ne pourront plus se financer. Cette peur est partagée par tout le monde du football, j’ai pu le constater lors d’une réunion avec les autres associations nationales. Dans tous les pays, on s’active auprès des autorités politiques pour sauver ce qui peut l’être. A ce titre, le retour du public dans les stades est très important.
Quel taux de remplissage des stades serait positif pour les clubs suisses?
Un minimum de 50% permettrait à la fois de retrouver des ressources financières et de respecter les règles sanitaires. Par ailleurs, nous avons désormais disputé treize journées de championnat et à notre connaissance, aucun cas de contamination ne s’est produit dans les tribunes. Cela montre qu’il est possible de gérer la situation. Heureusement. Sinon, la formation des jeunes – qui est cruciale pour notre football – pourrait être en danger. C’est, avec les salaires, l’un des deux grands postes de dépense des clubs. S’ils doivent économiser, ils risquent de le faire là.
Le Covid-19 a révélé la fragilité du modèle économique des organisations sportives.
Ce que nous sommes en train de vivre, c’est un scénario de science-fiction et il faut accepter son caractère exceptionnel. Peut-être que cela incitera, à l’avenir, les instances et les clubs à constituer des réserves plus importantes. Il faut toutefois bien comprendre que le but d’une association nationale comme l’ASF n’est pas de mettre de l’argent de côté, mais de développer le football!
L’équipe de Suisse sera de retour début septembre…
L’audience télévisuelle des matchs de championnat et de Coupe a montré que le public attendait le football, donc je me réjouis de cette reprise internationale. J’espère que la Nati évoluera dans des stades bien remplis le plus vite possible.
Pensez-vous que l’Euro aura lieu l’été prochain?
Je ne sais pas. La volonté est grande que ce soit le cas, à l’UEFA, dans les associations membres, dans les pays organisateurs. Mais le critère numéro un sera la sécurité sanitaire.
Pouvez-vous imaginer une formule telle que celle qui permet à la Ligue des champions de se terminer actuellement à Lisbonne? Sans public, dans une seule ville ou région, presque dans une bulle?
Il s’agit d’une hypothèse que l’on ne peut pas exclure. Mais je ne souhaite pas qu’elle se réalise.
«Je comprends et je respecte la frustration d’Yverdon. Mais il était impossible de faire une exception sans risquer de voir les procédures se multiplier»