A Vevey, le VIFFF dynamite la morosité ambiante
Le festival du film comique consacre de jeudi à dimanche un focus au comédien genevois Jean-Luc Bideau, et rend hommage à la cinéaste américaine Lynn Shelton, récemment disparue
Réjouissons-nous, le VIFFF (Vevey International Funny Film Festival) se tient de jeudi à dimanche et, en ces temps troublés, tous les prétextes pour rire un bon coup sont à prendre. Organisé dans le respect des règles sanitaires en vigueur dans le canton de Vaud, le festival vaudois pourra accueillir un maximum de 100 spectateurs – bien entendu masqués – par salle. Et dans lesdites salles, avec un total d’une quarantaine de projections, il y aura de quoi satisfaire les cinéphiles et amateurs de comédies d’auteur.
Car au-delà de son caractère populaire, le cinéma comique, trop souvent délaissé par les grands festivals, est aussi un magnifique moyen de réfléchir sur le monde. On en veut pour preuve L’Invitation, réalisé en 1973 par Claude Goretta, et qui sera montré dans le cadre d’un focus consacré à Jean-Luc Bideau.
Les travers d’une Suisse trop sage
Le comédien, présent à Vevey samedi après-midi pour une master class, y incarne un des employés de bureau invités par un collègue solitaire et introverti (Michel Robin) à une garden-party dans la maison de maître qu’il occupe depuis le décès de sa mère. A l’initiative de ce personnage que le Genevois incarne avec sa verve légendaire, la petite fête va se transformer en véritable bacchanale, les masques vont tomber. Auréolé d’un Prix du jury glané à Cannes, le film sera un succès. Cinq ans après Mai 68, il est en parfaite adéquation avec son époque, raille les travers d’une Suisse trop sage, trop lisse. Jean-Luc Bideau y est formidable, comme il le sera six ans plus tard dans le plus déluré Et la tendresse? Bordel!, de Patrick Schulmann, que projette également le VIFFF.
Le sel du nouveau cinéma suisse
Et la tendresse? Bordel! scrute la relation de trois couples au fonctionnement opposé, entre sexualité débridée et romantisme timide. Le Romand y est le patron d’un club de rencontre volontiers misogyne. Un rôle culte et truculent intéressant pour analyser, avec le recul, l’évolution des rapports hommes-femmes dans la comédie française. La Salamandre (Alain Tanner, 1971) et Les Arpenteurs (Michel Soutter, 1972), de même que le premier épisode de la série Ainsi soient-ils (2012), complètent ce focus. L’occasion de retrouver ce qui faisait le sel du nouveau cinéma suisse du début des années 1970: un humour délicat et poétique soutenant un discours social dans lequel Jean-Luc Bideau se retrouvait totalement, lui qui nous confiait il y a trois ans: «Le rôle dont je rêve? Le roi Lear. Ou plutôt Falstaff, du même Shakespeare. C’est un bouffon, un farceur, un esprit lucide aussi.»
Lynn Shelton en quatre films
Le festival veveysan rendra également hommage à la cinéaste américaine Lynn Shelton, disparue en mai dernier à l’âge de 54 ans, à travers quatre films, dont Humpday (2009) et Ma meilleure amie, sa soeur et moi (2011), beaux exemples de petites comédies de moeurs à visée auteuriste, et parlant avec aisance d’amitié, d’amour et de sexualité. A noter encore qu’une compétition internationale réunit sept longs métrages, tandis que sera projeté en avant-première, dimanche en guise de clôture, Les Deux Alfred, de Bruno Podalydès.
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COMÉDIEN, INVITÉ DU FESTIVAL