Du laxisme au confinement, le virage à 180 degrés néerlandais
POLITIQUE Après avoir prôné une approche très peu contraignante sans masques ni fermetures, les Pays-Bas se reconfinent depuis le 14 octobre. Un changement de cap qui laisse perplexes les scientifiques
Au mois de septembre, les rues d’Amsterdam ressemblaient à un paradis touristique européen. Pas le moindre signe de masques dans les échoppes, terrasses pleines à craquer, seuls quelques petits détails – tels que le gel hydroalcoolique devant les restaurants – rappelaient la présence du coronavirus chez les Néerlandais.
Le 13 octobre, changement de cap. Des mesures drastiques sont annoncées par le premier Ministre Mark Rutte en raison des hausses de cas (environ 6800 par semaine, +60% sur les deux semaines précédentes). Fermeture totale du secteur hôtelier, pas plus de trois invités par jour dans sa maison et le port du masque dans les espaces publics clos deviennent la nouvelle norme pour deux à quatre semaines.
«Nous voulons ralentir le virus, pas l’arrêter», scandait pourtant, le 21 avril, Ann Vossen, microbiologiste et membre de l’OMT (Outbreak Management Team), qui conseille le gouvernement à propos de l’épidémie. Le 24 août, après avoir essuyé de vives critiques, Ann Vossen mentionnait dans une interview pour Dit is de Dag que l’immunité collective «n’était plus une option». Comment se fait-il que le gouvernement ait alors tant attendu pour sévir et imposer aux Néerlandais un semi-confinement? C’est une question à laquelle les scientifiques néerlandais ont du mal à répondre.
Pas d’approche claire
«Il est clair que l’immunité collective était leur stratégie, mais après de nombreux reproches, ils ont réfuté cette possibilité, glisse Gowri Gopalakrishna, épidémiologiste membre de la Red Team, l’équipe invitée par le gouvernement à présenter leurs recherches sur les épidémies. Pourtant, au vu de la préparation face à cette deuxième vague, de nombreux confrères imaginent que c’était toujours la tactique principale du cabinet.» Un point que réfute le gouvernement.
Il n’est pourtant pas exclu que sa méthode soit différente de celle des voisins. En Allemagne, le gouvernement cherche à maîtriser le virus et à empêcher totalement sa propagation. «Aux Pays-Bas, l’objectif ne semble pas s’orienter vers cette réponse-là, rétorque Amrish Baidjoe, microbiologiste de la Red Team. La stratégie du pays suit le nombre de lits en soins intensifs. Ils ne sont pas motivés par un schéma du nombre d’infections ou une approche claire.»
Fait que nuance le docteur Aura Timen, membre de l’OMT: «Nous nous intéressons à quatre paramètres: le nombre de tests positifs par groupe d’âge, les admissions dans les hôpitaux, les admissions en soins intensifs et les infections dans les maisons de soins. Nous regardons également le nombre de tests positifs comme modèle. En juin-juillet, 1% des tests effectués étaient positifs, aujourd’hui c’est environ 14%.»
Si l’immunité collective semble inaccessible – 4% de la population testée serait protégée, selon une étude de l’Institut de santé néerlandais et de l’environnement –, les nouvelles mesures prises semblent porter leurs fruits. Le taux de positivité est passé en une semaine de 60 à 38% même si, selon le docteur Timen, «il est trop tôt pour dire dans quelle direction nous nous dirigeons».
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