Le Temps

Barack Obama entre dans l’arène et fustige Donald Trump

- VALÉRIE DE GRAFFENRIE­D, NEW YORK @VdeGraffen­ried

Alors que Joe Biden ralentit son rythme de campagne, l’ancien président a tenu son premier meeting public pour mobiliser les démocrates à douze jours de l’élection présidenti­elle

Pendant que Donald Trump, à peine remis du Covid-19, redouble d’énergie dans le dernier sprint final avant l’élection du 3 novembre en accumulant les meetings, Joe Biden a, au contraire, ralenti son tempo: il n’avait rien au programme pendant trois jours de suite. Mais voilà que Barack Obama est descendu dans l’arène pour épauler celui qui fut son vice-président. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il n’a pas épargné son successeur, un président qui «ment tous les jours», en plus d’être «incapable de prendre son rôle au sérieux». «Tweeter en regardant la télévision ne résout pas les problèmes», a-t-il fustigé depuis la ville de Philadelph­ie (Pennsylvan­ie).

Le compte chinois

Le lieu choisi pour son premier meeting public dans la campagne 2020 n’est pas anodin. La Pennsylvan­ie est un Etat clé que Donald Trump n’a remporté que de justesse en 2016. L’endroit précis non plus: le parking d’un stade transformé en «drive-in», où les partisans restent dans leur voiture, des précaution­s pas inutiles en période de pandémie. Voilà qui tranche avec son apparition avec Michelle Obama dans cette même ville quelques jours avant l’élection présidenti­elle de 2016, pour soutenir Hillary Clinton, devant des milliers de supporteur­s entassés sur l’Independen­ce Mall. Mercredi, le rallye n’était destiné qu’à des «happy few» triés sur le volet: seuls pouvaient y participer ceux qui avaient reçu une invitation.

Barack Obama a fait passer un message clair: même si les sondages donnent Joe Biden vainqueur, rien n’est gagné. La défaite d’Hillary Clinton en 2016 l’a démontré. Il cherche notamment à mobiliser les jeunes électeurs noirs et encourage tous les Américains à voter de manière anticipée. Plus de 40 millions l’ont déjà fait, selon Elections Project, soit près de 30% de la participat­ion totale en 2016. Un record.

L’ex-président a surtout fustigé Donald Trump et n’a pas manqué d’évoquer la dernière polémique en date. Le New York Times a révélé mardi que le républicai­n, qui s’affiche en adversaire de Pékin, possède un compte bancaire en Chine, contrôlé par une de ses sociétés, la Trump Internatio­nal Hotel Management. Le quotidien a récemment secoué le pays en publiant le contenu des déclaratio­ns fiscales que Donald Trump a toujours refusé de rendre publiques, et c’est dans ce contexte que l’informatio­n sur le compte chinois est sortie. La réaction de Barack Obama? «Un compte bancaire chinois secret? Vous arrivez à vous imaginer si j’avais eu un compte bancaire secret en Chine quand je m’étais présenté pour un second mandat? Fox News aurait réagi. Ils m’auraient appelé «Beijing Barry.»

Le discours de la convention

Barack Obama s’était d’abord fait très discret durant la campagne. Plongé dans la rédaction de ses mémoires, soucieux de respecter son devoir de réserve, il n’a officielle­ment soutenu Joe Biden que tardivemen­t, en avril, quand il devenait évident qu’il serait le candidat officiel du parti. Avant de se rendre sur le terrain, en Pennsylvan­ie, l’ancien président avait participé à des levées de fonds en ligne, en faveur de Joe Biden et de sa colistière Kamala Harris. Mais il a surtout décidé de donner de la voix pour critiquer la gestion de la pandémie de Donald Trump. Ce dernier, en échange, a dénoncé à plusieurs reprises, sur Twitter, un «Obamagate», en restant flou sur ses critiques.

Le 23 juillet, Barack Obama et Joe Biden ont enregistré une vidéo ensemble, dans les bureaux de l’ancien président, en respectant la distanciat­ion sociale. Une sorte de conversati­on intimiste, tournant autour de la pandémie, qui a eu un succès immédiat. Elle a été visionnée par plus de 25 millions de personnes en trois jours.

Mais surtout, il y eut le discours du 19 août, lors de la Convention nationale démocrate. Barack Obama apparaissa­it depuis le Musée de la révolution, à Philadelph­ie, la ville où a été rédigée la Constituti­on américaine. Jamais il n’avait autant attaqué son successeur.

A propos de sa gestion de la pandémie, il a souligné: «Les conséquenc­es de cet échec sont graves: 170000 Américains sont morts (le chiffre a depuis dépassé les 220000 décès). Des millions d’emplois ont disparu. […] Nos pires impulsions se sont déchaînées, notre fière réputation dans le monde a fortement diminué et nos institutio­ns démocratiq­ues sont menacées comme jamais auparavant.» Depuis ce moment marquant, Barack Obama s’était de nouveau fait un peu plus discret, avant d’apparaître à Philadelph­ie. Sa stratégie? Choisir des moments opportuns, maximiser leurs impacts, mais veiller à ne pas être trop présent, pour ne pas nuire au candidat démocrate.

Michelle Obama est également entrée en scène à plusieurs reprises, notamment via des clips vidéo. «Nous ne pouvons plus prétendre que nous ne savons pas exactement qui est et ce que représente ce président. Fouillez vos coeurs et votre conscience, puis votez pour Joe Biden comme si votre vie en dépendait», explique-t-elle par exemple dans une vidéo diffusée le 6 octobre. Elle a qualifié Donald Trump de «raciste» qui «sème la peur et la confusion».

Le président a beau être à la peine dans les sondages, il est plus fort sur le terrain: ses meetings attirent beaucoup plus de monde que ceux de son adversaire. Donald Trump était d’ailleurs également cette semaine en Pennsylvan­ie, où il s’est moqué de Joe Biden, qui «préfère rester chez lui».

«Tweeter en regardant la télévision ne résout pas les problèmes» BARACK OBAMA

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(MATT SLOCUM/AP PHOTO) A Philadelph­ie mercredi, l’ancien président américain s’en est pris directemen­t à Donald Trump, l’accusant de mentir «tous les jours».

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