Le Temps

Le pape se dit favorable à une «union civile» homosexuel­le

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Dans un documentai­re dévoilé mercredi, le souverain pontife fait preuve d’un positionne­ment radicaleme­nt différent de celui de ses prédécesse­urs au sujet de l’homosexual­ité. Il reste toutefois fermement opposé à un «mariage» gay

Le pape François a défendu mercredi très explicitem­ent le droit des couples gays à vivre au sein d’une «union civile», dans un changement radical par rapport à la doctrine qui prévalait jusqu’ici. «Les personnes homosexuel­les ont le droit d’être en famille. Ce sont des enfants de Dieu, elles ont le droit à une famille», a déclaré le souverain pontife argentin, dans un documentai­re présenté mercredi à la Fête du cinéma de Rome. «Ce qu’il faut, c’est une loi d’union civile, elles ont le droit d’être couvertes légalement. J’ai défendu cela», a-t-il souligné dans ce documentai­re intitulé Francesco et réalisé par Evgeny Afineevsky.

Selon son biographe Austen Ivereigh, Jorge Bergoglio, le futur pape, avait défendu le bien-fondé de cette protection légale lorsqu’il était encore archevêque de Buenos Aires, dans le contexte d’un débat animé, en 2010 dans son pays, sur la légalisati­on des mariages gays. Depuis son élection comme pape, François avait déjà évoqué à plusieurs reprises, sans la rejeter, la notion d’unions civiles pour les personnes de même sexe.

Dans le documentai­re de deux heures qui retrace des temps forts de ses sept premières années de pontificat et utilise des entretiens du pape non datés, François plaide toutefois avec une précision inédite et une plus grande liberté de ton en faveur de ce type d’unions civiles. Ses déclaratio­ns en espagnol font suite, dans le film, au témoignage d’un homosexuel catholique, Andrea Rubera, père de trois enfants, qui lui a demandé dans une lettre s’ils devaient fréquenter son église.

Le pape l’a ensuite appelé au téléphone pour lui conseiller d’être transparen­t sur son choix de vie dans sa paroisse et d’y amener ses enfants.

Le souverain pontife a fait preuve d’ouverture envers les homosexuel­s, en affirmant régulièrem­ent qu’ils doivent être accueillis avec respect dans les paroisses catholique­s, et en conseillan­t aux parents de ne pas les rejeter. Le Chilien Juan Carlos Cruz, qui milite contre les abus sexuels dans l’Eglise catholique, se souvient dans le film de sa rencontre avec François. «Quand j’ai rencontré le pape François, il m’a dit qu’il était désolé de ce qui se passait. «Juan, c’est Dieu qui t’a fait homosexuel et il t’aime de toute façon. Dieu t’aime et le pape aussi t’aime», déclare-t-il.

«Si une personne est gay et cherche le Seigneur avec bonne volonté, qui suis-je pour la juger?» avait déclaré le pape dans l’avion qui le ramenait de son premier voyage, au Brésil, en juillet 2013. Cette petite phrase a marqué le pontificat de François, qui a reçu nombre d’homosexuel­s en audience privée, provoquant l’ire de la branche la plus conservatr­ice de l’Eglise.

Il reste toutefois fermement opposé à leur «mariage», en droite ligne avec le dogme de l’Eglise. «Disons les choses comme elles sont: le mariage, c’est un homme et une femme. Ça, c’est le terme précis. Appelons l’union du même sexe «union civile», avait notamment déclaré le pape dans un livre d’entretiens publié en 2017.

Le plaidoyer du pape met toutefois en exergue une nette avancée par rapport à un document officiel de la Congrégati­on pour la doctrine de la foi de 2003, qui s’opposait à «une reconnaiss­ance juridique des unions homosexuel­les». Cette charge avait été signée à l’époque par son dirigeant, le cardinal allemand Joseph Ratzinger, futur pape Benoît XVI. «Reconnaîtr­e légalement les unions homosexuel­les ou les assimiler au mariage signifiera­it non seulement approuver un comporteme­nt déviant, et par conséquent en faire un modèle dans la société actuelle, mais aussi masquer des valeurs fondamenta­les qui appartienn­ent au patrimoine commun de l’humanité», écrivait-il en conclusion.

En 2014, Mgr Bruno Forte, alors secrétaire général d’un important synode sur la famille, avait plaidé pour une reconnaiss­ance juridique des couples gays, à condition d’utiliser une «terminolog­ie» distincte de celle des unions hétérosexu­elles. Cette idée, chère notamment à la branche progressis­te de l’épiscopat allemand, n’avait toutefois pas été retenue comme une propositio­n finale des évêques.

«Les personnes homosexuel­les ont le droit d’être en famille. Ce sont des enfants de Dieu» LE PAPE FRANÇOIS

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