Le Temps

Rien n’arrête l’envolée du yuan face au dollar

- MATHILDE FARINE, ZURICH @MathildeFa­rine

Mercredi soir, la monnaie chinoise atteignait un plus haut en deux ans, tirée par une économie en meilleure santé que le reste du monde. La banque centrale pourrait de nouveau intervenir, spéculent des analystes

C’est la rançon du succès. Alors que Pékin peut se targuer d’avoir une économie en nettement meilleure santé que le reste du monde, il observe la flambée de sa monnaie. Mercredi soir, elle touchait un plus haut depuis juillet 2018 à 6,6470 yuans pour 1 dollar. Jeudi, il refluait légèrement, mais les spéculatio­ns sur de nouvelles interventi­ons à venir de la banque centrale chinoise ont repris.

Ce lundi, la Chine annonçait une hausse de 4,9% de son PIB au troisième trimestre. Selon le Fonds monétaire internatio­nal, qui a publié ses prévisions la semaine dernière, elle sera le seul membre du G20 à connaître une croissance cette année (1,9%). Ses exportatio­ns ont réalisé un bond inattendu de près de 10% sur un an en septembre, dopées notamment par les ventes de matériel informatiq­ue élevées, le travail à domicile restant répandu dans beaucoup de pays. De fait, «tout cela ressemble à la sorte de reprise en V que la plupart des autres pays du monde espéraient», soulignent des experts de DWS, le géant allemand de la gestion d’actifs.

Pékin voit d’un mauvais oeil cette flambée du renminbi, l’autre nom de sa monnaie, qui renchérit le prix de ses exportatio­ns et risque de freiner la reprise économique. Or ses efforts pour contenir cette hausse du yuan se sont jusqu’ici avérés plutôt vains. La Banque populaire de Chine (BPC) a tenté notamment d’encourager les sorties de capitaux il y a dix jours. Dans un premier temps, son action a aidé. «Le choix de la banque centrale chinoise de supprimer un seuil de réserves obligatoir­es pour les instituts financiers désirant acheter de la devise via les marchés à terme a stoppé net l’ascension du yuan que l’on avait vu bondir quelques jours plus tôt à un pic depuis avril 2019 face au dollar américain», soulignait alors dans une note Guillaume Dejean. Depuis, comme l’anticipait cet analyste de Western Union Business Solutions, l’ascension a repris.

«Pas facile»

D’autres experts sont sceptiques sur les capacités des autorités à freiner l’appréciati­on du yuan. «Ce ne sera pas facile, annonce Elke Speidel-Walz, économiste en chef chargée des marchés émergents chez DWS. L’écart de taux d’intérêt entre la Chine et les Etats-Unis est actuelleme­nt d’environ 2,75% dans les tranches d’échéance de 2 à 10 ans. Il semble que cela va continuer, car la BPC ne semble pas vouloir réduire davantage les taux d’intérêt.»

En outre, l’intérêt pour les actifs en yuans ne devrait pas faiblir. «L’inclusion du marché obligatair­e et boursier chinois dans les indices mondiaux ainsi que les mesures de libéralisa­tion du marché des capitaux en cours facilitent les investisse­ments étrangers. Au début du mois, le fournisseu­r d’indices FTSE Russell a décidé d’inclure la dette souveraine chinoise dans son indice d’obligation­s d’Etat de référence (FTSE World Government Bond Index). Cela pourrait engendrer des investisse­ments estimés à 140 milliards de dollars l’année prochaine», ajoute DWS.

Moins de pression

De fait, la plupart des experts tablent sur une poursuite de la hausse. Pictet fait partie de ces optimistes envers le renminbi, «dont le cours augmente à la faveur d’une actualité favorable, de taux attractifs sur les obligation­s libellées en monnaie locale et de la perspectiv­e d’une victoire de Joe Biden à la présidenti­elle américaine».

Reste que l’institutio­n peut intervenir directemen­t sur le marché, ce qu’elle ne semble pas avoir fait de façon importante récemment. Le yuan n’est pas entièremen­t convertibl­e. La banque centrale fixe chaque jour un taux pivot et laisse la monnaie fluctuer dans une marge de plus ou moins 2%. Les autorités chinoises ont été pointées du doigt à plusieurs reprises par Washington, qui les accuse régulièrem­ent de manipuler leur monnaie pour stimuler les exportatio­ns. La hausse de ces derniers mois a néanmoins l’avantage de faire baisser la pression de ce côté-là.

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