«Nous agissons pour maintenir les emplois»
Swissport perd 1 million de francs par mois à l’aéroport de Genève. L’entreprise d’assistance au sol a pris des mesures pour «maintenir sa compétitivité», sans licencier, en réduisant notamment les salaires. Face à la colère des employés, son directeur Antoine Gervais explique sa stratégie
Jusqu’à 1200 francs par mois de réduction de salaire, des semaines qui passent de 40 à 41,25 heures, des vacances moindres… Les conditions de travail se détériorent, ont fait savoir des employés de Swissport, une entreprise d’assistance au sol des compagnies aériennes, dans des manifestations à Cointrin mardi et jeudi. Ils estiment que la pandémie ne justifie pas de telles mesures. Leurs regards sont tournés vers Antoine Gervais, le directeur de Swissport à Genève. Il nous a accordé un entretien.
Comment réagissez-vous face à la colère de vos employés? Le secteur est dans une crise existentielle, on n’a jamais connu un tel niveau d’effondrement de la demande. Swissport à Genève perd depuis le début de la crise plus de 1 million de francs par mois, et à Zurich c’est plus du double. Les compagnies nous demandent de réduire les coûts. Or les salaires représentent 80% de nos coûts. C’est là qu’on doit agir malheureusement, et sur notre productivité. Les employés ont jusqu’au 28 janvier pour signer de nouveaux contrats, conformes au marché, qui entreront en vigueur le 1er juin. Ils portent sur la survie de Swissport à Genève.
Tout de même, 1200 francs de baisse salariale… 1200 francs reste une exception, c’est difficile mais nous agissons pour maintenir les emplois. En moyenne, les salaires baissent de 5%, ça peut aller jusqu’à 15-20% de réduction. Pour les personnes les plus touchées, nous avons mis en place des mesures d’atténuation jusqu’à la fin de 2021, un plan de préretraite dès 58 ans, un fonds social.
Avez-vous dû procéder à des licenciements? Il n’y a pas eu de licenciements, grâce aux RHT. Aujourd’hui, 80% du personnel est en RHT. Swissport compte 1034 employés à Genève, contre 1204 il y a un an. Des départs naturels n’ont pas été remplacés. Ces mesures doivent nous remettre en position de survie, maintenir notre compétitivité. Si nous perdons un contrat, nous perdons des emplois. La plupart des nouvelles compagnies aériennes à Cointrin sont allées à la concurrence.
Les syndicats réclament une nouvelle CCT. A Genève, l’Etat a mis en place des «usages», des standards que le secteur est tenu de respecter. Nos conditions sont au-dessus des standards et nous avons longtemps été le seul agent d’assistance avec en plus une CCT. Les usages régulent là où une CCT est un partenariat social non obligatoire avec des syndicats. Nos nouvelles conditions demeurent supérieures aux usages. Nous ne sommes pas opposés à l’idée de remettre une CCT mais ce n’est pas le moment car nous avons besoin de visibilité.
Des employés estiment que les actionnaires de Swissport gagnent de l’argent sur leur dos. Ils financent plutôt nos pertes, ils nous apportent des liquidités qui nous permettent de traverser la crise. Ils nous soutiennent mais attendent légitimement de chaque station qu’elle devienne financièrement autonome. Avant la crise, la profitabilité de Swissport était déjà faible. Les propriétaires n’ont rien gagné ces cinq dernières années.
A Zurich et à Bâle, Swissport a signé un accord avec les syndicats en décembre. A Genève, où les conditions sont réputées meilleures, rien de tel. Pourquoi? Difficile à dire. Nous avons tenté de négocier pendant plusieurs mois et ne sommes pas parvenus à un accord avec les syndicats, ce qui contraste avec Zurich et Bâle où les négociations sur des solutions similaires ont pu aboutir. Face à ce constat, nous avons pris nos responsabilités en proposant ces nouveaux contrats, qui nous permettront de préserver un maximum d’emplois. ■
«Il n’y a pas eu de licenciements, grâce aux RHT. Aujourd’hui, 80% du personnel est en RHT»