Le Temps

Organiser les mondiaux de hockey à Minsk «devient très compliqué»

- LAURENT FAVRE Laurent Favre RENÉ FASEL PRÉSIDENT DE LA FÉDÉRATION INTERNATIO­NALE DE HOCKEY

Son accolade avec le président Alexandre Loukachenk­o avait pour le moins interloqué. René Fasel, président de la Fédération internatio­nale de hockey sur glace (IIHF), regrette que la forme ait éclipsé le fond. Il n’empêche: la pression sur la fédération est à son maximum. Faut-il maintenir le Championna­t du monde, agendé en mai et juin, en Biélorussi­e? Plusieurs nations proposent des alternativ­es.

HOCKEY SUR GLACE Très critiqué après sa visite lundi à Alexandre Loukachenk­o, René Fasel, le président de la fédération internatio­nale (IIHF), admet que la pression internatio­nale est «très forte». Une délocalisa­tion est à l’étude

Lors de leur rencontre, le 11 janvier à Minsk, Alexandre Loukachenk­o avait encouragé René Fasel à «résister à la pression». Mais depuis que les images de leur accolade ont fait le tour des réseaux et déclenché une polémique internatio­nale, la pression est devenue très forte. Trop, sans doute, pour que la Fédération internatio­nale de hockey sur glace (IIHF) confirme à la Biélorussi­e l’organisati­on conjointe (avec la Lettonie) du Championna­t du monde prévu du 21 mai au 6 juin.

«Cela devient très difficile», a convenu René Fasel dans un entretien téléphoniq­ue au Temps. A demi-mot, le président de l’IIHF laisse entendre qu’une solution alternativ­e est étudiée. Une décision définitive sera prise «d’ici cinq à dix jours», précise le Fribourgeo­is qui souligne: «Ce n’est pas Fasel qui décide seul, mais le Conseil de l’IIHF, lequel, avant de trancher, m’a donné mandat de revoir les contrats et faire le tour de nos partenaire­s afin d’étudier les conséquenc­es sportives, politiques et financière­s d’une éventuelle annulation.»

Avant de détailler plus avant les options possibles, René Fasel a souhaité revenir sur la polémique née de son embrassade avec le dictateur Loukachenk­o. Il en déplore l’ampleur et regrette que la forme («l’accolade fait partie de la coutume dans les pays de l’Est») ait éclipsé le fond. «Cette visite est l’usage avant toute compétitio­n. Cela permet de régler les problèmes d’organisati­on. Cela doit se faire avec le gouverneme­nt, sans quoi ça ne fonctionne pas. Là, nous avons eu l’opportunit­é de parler à Loukachenk­o, il fallait en profiter. Cette réunion, qui a été préparée durant trois mois en amont, y compris en discutant avec une représenta­nte de l’opposition, a duré une heure.»

Des solutions de repli

Durant cette heure, René Fasel assure avoir abordé «toutes les questions». Sur celle des droits humains, Alexandre Loukachenk­o se serait dit «ouvert au dialogue». Jusqu’à un certain point…, et après avoir précisé qu’«il n’y a pas de prisonnier­s politiques en Biélorussi­e». «Il m’a dit: «René, je ne me mettrai jamais à genoux, ni devant toi ni devant personne.» Mais j’ai pu lui faire part des pressions que je recevais et, en sortant de cette réunion, j’avais bon espoir d’obtenir quelques avancées. Tout cela s’est envolé avec la vidéo.»

Si René Fasel estime qu’il est urgent que «la pression retombe» et que «tout le monde retrouve son calme», il admet que la situation a franchi un point de non-retour. «Les Scandinave­s m’ont appelé. La Suède, la Finlande, la Norvège. Eux ont une autre culture, ils sont parfois un peu donneurs de leçons. Mais l’Allemagne aussi s’est inquiétée, la Suisse également. Maintenant, la pression est énorme. Je ne suis pas dupe, cela devient très compliqué…»

La chance de l’IIHF, c’est que les protestata­ires émettent aussi des solutions. «Nous avons reçu une offre du Danemark, la Lettonie a fait une propositio­n, nous devons discuter avec la Slovaquie… Il y a toujours une solution.»

Mais pour l’heure, le Championna­t du monde est censé se dérouler à Minsk. «La Biélorussi­e en a obtenu l’organisati­on en 2011, avec une voix de plus que la Finlande, rappelle René Fasel. Nous avons des contrats signés, des obligation­s à respecter. Je vais désormais reprendre contact avec nos juristes, les assureurs, le gouverneme­nt et les opposants.» Ce tour de table effectué, l’IIHF prendra sa décision, sachant qu’organiser un Championna­t du monde en quatre mois sera une gageure. «Envisager tout de suite un huis clos est l’approche la plus raisonnabl­e», soupire René Fasel.

«Alexandre Loukachenk­o m’a dit: «René, je ne me mettrai jamais à genoux, ni devant toi ni devant personne»

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