Le Temps

«Joe Biden a enfin une plus grande marge de manoeuvre»

- PROPOS RECUEILLIS PAR RAM ETWAREEA @rametwaree­a

Le plan de relance d’urgence du président américain élu tient compte non seulement de ses engagement­s électoraux de réduire les inégalités, mais aussi d’une situation sanitaire et économique qui se détériore. Thomas Costerg, économiste, revient sur les annonces

Thomas Costerg, économiste spécialist­e des Etats-Unis chez Pictet Wealth Management à Genève, décortique le plan de relance d’urgence de 1900 milliards de dollars, présenté jeudi soir par le président américain élu, Joe Biden. Après l’élection de deux démocrates aux sièges de Géorgie au Sénat, ce dernier a désormais une plus grande marge de manoeuvre pour mettre en place son programme économique

Pourquoi le président élu a-t-il présenté un nouveau plan de relance alors qu’il va prêter serment la semaine prochaine? D’abord, parce qu’il estime qu’il y a une urgence économique. Il y a une détériorat­ion sur le plan sanitaire avec de nouveaux records d’infections et de décès. L’économie ralentit plus fortement que prévu; les récents indicateur­s ne sont pas bons. Le nombre d’Américains réclamant les allocation­s chômage monte. Les Etats-Unis vont vers une croissance du produit intérieur brut (PIB) négative au premier trimestre. Bref, c’est la rechute. Par ailleurs, il y a du nouveau sur le plan politique avec la victoire inattendue de deux démocrates aux sièges de Géorgie au Sénat. Le Sénat est désormais à 50-50. Cela lui donne un peu plus de marge de manoeuvre.

Quels sont, selon vous, les points forts de son plan de relance? Joe Biden avait promis de faire de la lutte contre les inégalités une priorité. La pandémie a amplifié les disparités entre ceux qui sont fortunés et les plus démunis. D’où de nouveaux chèques aux ménages et son souhait d’augmenter le salaire minimum fédéral. Les allocation­s chômage sont étendues jusqu’en septembre. Au final, il juge que le plan de relance de 900 milliards de dollars voté en décembre n’est pas suffisant – d’où 1900 milliards cette fois-ci. Et c’est compter sans le plan d’investisse­ments dans les

«Joe Biden insiste beaucoup sur le «made in America»; il pourrait privilégie­r les entreprise­s américaine­s»

infrastruc­tures, peut-être 2000 milliards supplément­aires, qui sera présenté en février.

Les Etats-Unis parlent de plan d’investisse­ments depuis des années. Quelles pourraient être les spécificit­és d’un plan Biden? C’est vrai qu’on attend un vrai plan d’infrastruc­tures depuis longtemps, c’est l’Arlésienne aux Etats-Unis. Joe Biden a donné quelques bribes ce jeudi soir; il mettrait l’accent sur les investisse­ments dans l’énergie verte, la biotechnol­ogie et l’intelligen­ce artificiel­le.

Joe Biden a parlé de produire, d’acheter et de consommer américain. A-t-il adopté le discours trumpien? Joe Biden avait déjà ces accents pendant la campagne électorale en insistant sur le rôle d’une industrie américaine forte. C’est ainsi qu’il est allé à la chasse aux électeurs républicai­ns dans les terres de Trump. Il insiste beaucoup sur le «made in America»; il pourrait privilégie­r les sociétés américaine­s.

Comment va-t-il payer les plans de relance? Il financera ces milliards par le biais du déficit budgétaire, lui-même d’ailleurs implicitem­ent soutenu par une création monétaire vigoureuse de la Réserve fédérale. Je fais remarquer que Jerome Powell, le président de la Fed, vient de dire que la création monétaire n’est pas près de s’arrêter. La concordanc­e entre les deux discours est frappante. La nouvelle administra­tion est aussi attendue sur la question des impôts, mais c’est davantage un symbole qu’une affaire comptable. Tout le monde doit payer sa juste part, a dit Joe Biden, sans rentrer dans les détails pour le moment.

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THOMAS COSTERG ÉCONOMISTE CHEZ PICTET WEALTH MANAGEMENT

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