«L’Indonésie présente un grand potentiel pour nos exportations»
LIBRE-ÉCHANGE Le président de la faîtière des PME Fabio Regazzi défend l’accord Suisse-Indonésie, et salue les conditions fixées pour l’importation d’huile de palme, qui respecterait des standards minimaux de production durable
«L’accord de libreéchange avec l’Indonésie allie commerce et durabilité», affirme Fabio Regazzi, président de l’Union suisse des arts et métiers (USAM). Deux comités politiques interpartis, composés d’élus du centre et de la droite, soutiennent cet accord, combattu par voie référendaire. L’un de ces comités est piloté par l’USAM, l’autre par Economiesuisse. Cette double campagne sème la confusion et reflète les rivalités sousjacentes entre les deux faîtières économiques.
Deux comités politiques interpartis, composés d’élus du centre et de la droite, soutiennent l’accord de libre-échange avec l’Indonésie, combattu par voie référendaire. L’un de ces comités est piloté par l’Union suisse des arts et métiers (USAM), l’autre par Economiesuisse. Le président de l’USAM, Fabio Regazzi, explique pourquoi cet accord est important pour les PME suisses.
Quel est l’intérêt des PME pour les accords de libre-échange? Il est plus grand que ce qu’on imagine. Les accords de libre-échange ne visent pas que les grands groupes. 60% des importations et 45% des exportations concernent les PME. En moyenne, la moitié des échanges commerciaux de la Suisse passent par les PME.
Et quel est l’intérêt de l’accord avec l’Indonésie? C’est un grand pays en plein essor. L’Indonésie présente un grand potentiel pour nos exportations. Il est important de trouver d’autres débouchés que le marché chinois dans cette région. Cet accord pourrait ouvrir la voie à d’autres accords de libre-échange dans cette partie du monde, par exemple avec la Malaisie.
Certains secteurs sont-ils plus concernés que d’autres? L’industrie mécanique, par exemple, représente le quart des exportations vers l’Indonésie. En raison de la situation économique actuelle, cet accord offre une opportunité intéressante pour cette branche. Le marché indonésien pourrait également être alléchant pour les fromages, les yoghourts et d’autres produits agricoles.
Cet accord ne va-t-il pas favoriser l’importation de marchandises indonésiennes à bas prix, qui concurrenceront des produits suisses? Quand deux pays ou groupes de pays signent un accord de libre-échange, il est normal que tout le monde y trouve son compte. Dans ce cas précis, je ne crains pas l’arrivée sur le marché suisse d’une quantité de marchandises vendues à bas prix qui concurrenceraient les producteurs suisses. Ce seront plutôt des produits complémentaires à ce qui est fabriqué en Suisse, comme le thé, le café, les épices, mais aussi des textiles et des chaussures.
Et la très controversée huile de palme. Ne concurrence-t-elle pas l’huile de colza produite en Suisse? L’huile de palme ne peut pas toujours être remplacée par d’autres huiles. La Suisse n’en importe que de très petites quantités d’Indonésie, pas plus de 1 à 2% du total. Le comité de l’Union suisse des paysans (UPS) soutient cet accord. Pensez-vous qu’il le ferait si l’huile de palme constituait une concurrence sérieuse pour l’huile de colza?
La production d’huile de palme a aussi un aspect écologique et moral, car elle s’accompagne de déforestation, de plantations illégales. Les opposants disent qu’il ne peut pas y avoir d’«huile de palme durable». Cet aspect écologique et moral vous laisse-t-il indifférent? Pas du tout. Cet accord revêt un caractère pionnier. Il est bien plus qu’un simple accord douanier. Il est le premier du genre à allier commerce et durabilité, à exiger des standards minimaux de production durable. L’Indonésie s’est engagée à accepter ce mécanisme de durabilité, pour lequel la Suisse s’est battue durant les négociations. Si une partie de notre industrie dit qu’elle a besoin d’huile de palme, il faut bien se la procurer quelque part. Autant l’acheter dans un pays avec lequel nous signons un tel accord. Celui-ci aura d’ailleurs un effet boule de neige pour les futurs accords de libre-échange.
«L’huile de palme ne peut pas toujours être remplacée par d’autres huiles»
Le comité référendaire condamne les excès du libre-échange: la surconsommation, des circuits de production trop longs, la production de déchets. Le libre-échange est-il conforme aux nouvelles préoccupations climatiques, qui privilégient les circuits courts et la consommation locale? On ne changera pas le monde avec un accord de libre-échange. Il ne résoudra pas la surconsommation, le gaspillage ou la production excessive de déchets. J’aimerais rappeler deux choses. C’est au Moyen Age qu’on a commencé à aller chercher en Asie les produits que l’on ne trouvait pas ici, comme le thé et les épices. C’était en quelque sorte le début de la globalisation. Aucun pays ne vit en autarcie. La Suisse doit bien importer les téléphones portables qu’elle ne fabrique pas elle-même, pour ne citer que cet exemple. Et l’accord de libre-échange avec l’Indonésie inclut des valeurs de durabilité qui amélioreront les conditions de production de ce qu’on va chercher ailleurs dans le monde.
Vous avez lancé votre campagne avec des représentants des partis du centre et de la droite. Mais Economiesuisse mène sa propre campagne, avec d’autres représentants des mêmes partis. La hache de guerre entre l’USAM et Economiesuisse n’est-elle pas encore enterrée? Nos campagnes sont complémentaires. Ce n’est pas la première fois que cela se passe ainsi. De notre côté, nous mettons l’accent sur les PME et la durabilité pour montrer que cet accord ne profite pas qu’à la grande industrie. Je pense que, à l’avenir, nos deux organisations mèneront à nouveau des campagnes communes. Il faudra voir en fonction des enjeux. Mais ce n’est pas encore le cas.
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