Le Temps

Muselière pour les oeuvres d’entraide

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Monsieur le Conseiller fédéral Cassis,

A la suite des engagement­s des oeuvres d’entraide en faveur de l’initiative pour des multinatio­nales responsabl­es, vous avez une nouvelle fois serré la vis aux attributio­ns de subvention­s fédérales et renforcé le contrôle politique de leur utilisatio­n. A l’avenir, les oeuvres d’entraide n’auront plus le droit d’utiliser l’argent de la Direction du développem­ent et de la coopératio­n (DDC) pour leur travail d’informatio­n et de formation en Suisse. Concrèteme­nt, cela signifie qu’une oeuvre d’entraide continuera à avoir le droit de soutenir des paysannes en Afrique qui sauvegarde­nt des semences traditionn­elles, elle n’aura par contre plus le droit d’organiser en Suisse des conférence­s qui font la lumière sur le pouvoir d’entreprise­s multinatio­nales en Afrique.

Nous sommes indignés qu’un pays qui se vante toujours d’être une démocratie mette de telles muselières à des oeuvres qui s’engagent pour un monde plus juste. Nous protestons contre le fait que les suites de l’injustice peuvent être atténuées, mais que les noms des responsabl­es qui causent ces injustices doivent être tus. Comment pouvons-nous avoir devant nos yeux les conditions de vie de millions et de millions d’humains rendus pauvres, sans prendre simultaném­ent en considérat­ion les conditions-cadres politiques coresponsa­bles de l’appauvriss­ement de population­s entières? Et comment rendre possible un changement durable vers un monde meilleur, comment s’engager pour que le système social et écologique se transforme, sans chercher à changer en profondeur la conscience personnell­e et politique par du travail d’informatio­n et de formation?

Ce sont précisémen­t la campagne oecuméniqu­e de Pain pour le prochain et Action de carême (financée par des moyens privés) et d’autres oeuvres qui, durant des décennies, y ont fourni une contributi­on inestimabl­e. Le travail d’informatio­n et de formation des deux oeuvres a non seulement révélé à des génération­s entières les vraies raisons de la réelle pauvreté, mais il garde également vivant pour des génération­s entières le rêve d’un autre monde, un monde de paix et de justice. Face aux défis globaux, il ne suffit de loin pas de soutenir les frères et soeurs en humanité dans le Sud. Il faut que le travail là-bas et le travail politique chez nous restent liés.

La collaborat­ion en matière de développem­ent et la politique de développem­ent sont indissocia­bles.

Nous vous prions instamment, Monsieur le Conseiller fédéral, d’écouter la voix prophétiqu­e des oeuvres d’entraide, d’apprécier à leur juste valeur les expérience­s faites pendant des décennies et de revoir votre propre attitude. Nous vous en remercions.

Il faut que le travail dans le Sud et le travail politique chez nous restent liés

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AU NOM DES COMMUNAUTÉ­S CHRÉTIENNE­S DE BASE DE CHÊNE, GENÈVE, KÜSSNACHT AM RIGI, LUCERNE NORD, LUCERNE SUD, MEYRIN, NYON, SAINT-GALL
JACQUELINE KEUNE COORDINATR­ICE AU NOM DES COMMUNAUTÉ­S CHRÉTIENNE­S DE BASE DE CHÊNE, GENÈVE, KÜSSNACHT AM RIGI, LUCERNE NORD, LUCERNE SUD, MEYRIN, NYON, SAINT-GALL

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