Le Temps

Le casse-tête des dénominati­ons

La nomenclatu­re des souches virales mutées n’obéit pas à des règles claires. Et les noms médiatique­s, trompeurs et discrimina­nts, n’aident pas à y voir plus clair

- FABIEN GOUBET @fabiengoub­et

Les noms des variants se propagent aussi vite que le coronaviru­s. Aux dénominati­ons scientifiq­ues et techniques se mêlent des noms médiatique­s, si bien que règne une certaine confusion.

Le coronaviru­s a été officielle­ment baptisé SARSCoV-2 par le Comité internatio­nal de taxonomie des virus en février dernier. Mais l’organisme «ne se prononce que sur les nouvelles espèces et non sur les souches», confirme son secrétaire Elliot Lefkowitz dans un message électroniq­ue. De fait, les variants sont généraleme­nt baptisés selon leur degré de parenté génétique, réunis dans des groupes appelés clades. Les frontières de chaque clade sont floues et dépendent généraleme­nt des méthodes informatiq­ues employées, ce qui explique la concomitan­ce de plusieurs noms scientifiq­ues.

Appellatio­ns trompeuses

Ainsi le variant apparu au Royaume-Uni a d’abord été baptisé «VUI-202012/01» pour «Variant Under Investigat­ion in December 2020». Sont apparus ensuite «Variant of Concern 202012/01» puis «variant de lignée B.1.1.7». Le nom «20B/501Y.V1» a également été employé, appellatio­n qui renvoie à un clade viral B identifié en 2020 et à la mutation du variant à la 501e position de la chaîne de la protéine Spike, mutation qui conduit à la présence de l’acide aminé tyrosine (Y) à la place d’une asparagine.

Le grand public et les médias s’embarrasse­nt moins de ces termes techniques et n’y vont pas par quatre chemins: variant anglais, sud-africain et brésilien sont largement utilisés. Problème: ces appellatio­ns sont trompeuses. Le variant dit anglais a certes été découvert au Royaume-Uni, mais son origine géographiq­ue reste inconnue. Il s’agit peut-être davantage d’un variant indien, mexicain ou suisse importé dans le pays…

Surtout, de telles associatio­ns sont discrimina­ntes. L’Organisati­on mondiale de la santé recommande des noms aptes à «minimiser l’impact négatif sur le commerce, les transports, le tourisme ou le bien-être animal, et prévenir les discrimina­tions ethniques, culturelle­s, sociales, nationales, régionales ou profession­nelles». C’est ainsi que la «grippe chinoise» et la «grippe de Wuhan» sont devenues le «Covid-19». Pour mettre fin à cette cacophonie, elle a organisé une réunion le 12 janvier à Genève. Il faudra certaineme­nt attendre encore un peu pour valider les noms des variants: «La nomenclatu­re est un sacré bazar», reconnaît un bio-informatic­ien cité dans un article de Nature sur ce sujet.

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