Le Temps

Pour un confinemen­t bref et complet

- DELPHINE NERBOLLIER, BERLIN @delphnerbo­llier

Une initiative qui s’attaque au confinemen­t «permanent» a reçu le soutien de 68 000 personnes, en Allemagne, en Suisse et en Autriche. Les pouvoirs politiques se montrent partout réticents

Faut-il prolonger indéfinime­nt le confinemen­t? Non, estime un tout nouveau mouvement, appelé ZeroCovid. Initié par des activistes de gauche, d’horizons très divers, venus d’Allemagne, d’Autriche, de Suisse et du Royaume-Uni, il préconise la fin «de cette situation de confinemen­t permanent» et propose aux autorités politiques de se fixer un objectif fort: zéro nouvelle infection. Pour y parvenir, cette initiative plaide pour un confinemen­t complet, incluant le secteur économique jusque-là en partie épargné, mais limité dans le temps. Pour être efficace, cet arrêt de l’économie de plusieurs semaines devrait se faire au niveau européen. Une pétition lancée en ce sens le 14 janvier, en ligne, a reçu plus de 68000 signatures en moins d’une semaine. Beaucoup plus qu’espéré par les initiateur­s.

«Les gouverneme­nts suivent deux objectifs dans la gestion de la pandémie: ne pas mettre en danger les bénéfices des entreprise­s et éviter une surcharge du secteur hospitalie­r», explique l’enseignant zurichois Philipp Gebhardt, membre de cette initiative et du syndicat des services publics (SPP/VPOD). «Or cette stratégie consistant à aplanir la courbe des infections mène à un confinemen­t permanent et a échoué, ajoute-t-il. Nous pensons que les effets du vaccin ne se feront sentir que dans quelques mois. Nous avons donc besoin d’un changement de stratégie immédiat.» ZeroCovid propose ainsi de financer le coût de cet arrêt complet de l’économie non essentiell­e par une taxe dite de solidarité au niveau européen et de revenir sur la privatisat­ion des services de santé. Si ses initiateur­s se font peu d’illusions sur la reprise de leurs idées par les gouverneme­nts, ils espèrent «éveiller un mouvement social».

Utopistes, voire autoritair­es

Soutenues par plusieurs personnali­tés du parti allemand de gauche radicale Die Linke ainsi que par des proches des écologiste­s, comme Luisa Neubauer, leader du mouvement Fridays for Future, ces demandes sont jugées utopistes, voire autoritair­es par les représenta­nts des milieux économique­s. Elles s’inscrivent toutefois dans un débat existant. Avant Noël, plus de 300 scientifiq­ues ont signé un appel, au niveau européen, dans le magazine The Lancet. Ils y appellent les politiques à se fixer une limite de 10 nouvelles infections pour un million d’habitants et à appliquer un confinemen­t strict. Pour l’Allemagne, cela signifiera­it un maximum de 830 nouveaux cas par jour, très loin des niveaux actuels. Parmi les signataire­s se trouvent des scientifiq­ues renommés, tels que Christian Drosten, directeur de l’institut de virologie à l’hôpital de la Charité à Berlin, ou encore Lothar Wieler, directeur de l’Institut Robert Koch.

Le médecin et député social-démocrate Karl Lauterbach est lui aussi, depuis très longtemps, partisan de mesures plus strictes pour lutter contre la pandémie. Toutefois, il se distancie des propositio­ns de l’initiative ZeroCovid. «L’objectif est noble mais pas réalisable en cette période hivernale et difficilem­ent applicable au niveau européen», estime-t-il. «Une fermeture des lieux de travail ne me semble pas non plus nécessaire. Le port du masque FFP2 pourrait y être une solution judicieuse et plus efficace.»

Une tout autre direction

Sans surprise, la chancelièr­e Angela Merkel et les ministres-présidents de région ont choisi mardi une tout autre direction. En raison de l’arrivée de nouveaux variants des virus britanniqu­es et sud-africains, plus contagieux, la traditionn­elle réunion entre autorités fédérales et régionales a été avancée d’une semaine. Le confinemen­t devait être prolongé jusqu’au 14 février et même renforcé. Les magasins jugés non essentiels devraient rester fermés et les contacts limités à une personne au maximum en dehors des membres du foyer. Les entreprise­s devraient se voir incitées à proposer le télétravai­l encore plus largement que par le passé et la fréquence des bus et des trains devraient être augmentée afin de limiter les risques d’infection.

Quant aux masques chirurgica­ux ou FFP2, ils devraient devenir obligatoir­es au niveau national dans les transports en commun et dans les magasins, en lieu et place des masques en tissu. En la matière, la Bavière fait figure d’exemple. Elle a imposé lundi, dans ces secteurs, le port des masques FFP2 et devrait en distribuer 2,5 millions gratuiteme­nt à 500000 citoyens en situation précaire. En revanche, aucun couvre-feu n’a été imposé au niveau national, contrairem­ent à ce que demandaien­t certains. Seuls la Bavière et le Bade-Wurtemberg ont mis en place une telle mesure.

La prolongati­on de ce confinemen­t intervient alors que le nombre des nouvelles infections semble se stabiliser, après plusieurs mois de fortes hausses. Lundi, 11369 nouveaux cas ont été enregistré­s. Mais ce qui inquiète, c’est surtout le nombre de morts. En moyenne, un millier de personnes décèdent chaque jour dans le pays, en raison du covid ou avec le covid.

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