L’économie suisse prête à passer au modèle circulaire
RESSOURCES Un rapport de PwC et du WWF pose un cadre de réflexion qui doit servir à délaisser un modèle de production et de consommation linéaire. Le pays en prend pour son grade, mais a tout en main pour réussir cette transition
«Si tout le monde consommait autant que les Suisses, trois planètes seraient nécessaires.» Dans un rapport conjoint de PwC et du WWF, la Suisse en prend pour son grade. Le pays recycle bien, certes. Mais il est encore loin de fonctionner en économie circulaire, modèle qui consiste à «fermer» les cycles d’extraction, de production et de consommation. Et qui implique donc une réutilisation permanente des matières premières.
Le document présenté mardi rappelle par exemple que les déchets alimentaires générés en Suisse représentent 2,6 millions de tonnes par an, soit 190 kg par habitant. Chaque étape de la chaîne participe à ce triste constat. Financièrement parlant, dans l’agriculture, ces déchets équivalent à 600 millions de francs. A 500 millions dans la vente au détail, à 1 milliard dans la gastronomie et à 5 milliards dans les ménages.
Cette kyrielle de chiffres est une façon pour les auteurs d’appuyer là où ça fait mal. Mais aussi et surtout, de montrer à quel point la Suisse est en réalité dans de bonnes dispositions légales, économiques et intellectuelles pour transiter d’un modèle d’économie linéaire à un modèle circulaire. Et il ne s’agit pas de migrer vers la frugalité ou la décroissance, a insisté Andreas Staubli, le patron de PwC Suisse, lors d’un séminaire en ligne: «L’économie circulaire, c’est la combinaison entre la création de nouvelles opportunités et le respect des ressources à disposition.»
Si l’Union européenne, la France, le Danemark ou encore les Pays-Bas ont pris de l’avance dans leur processus politique encourageant cette transformation, la Suisse, elle, prend son temps. Mais les requêtes déposées à Berne et qui veulent encourager ce changement de modèle sont de plus en plus nombreuses, souligne Niklas Nierhoff, expert en durabilité au sein de l’Office fédéral de l’environnement (OFEV). Une initiative regroupe désormais toutes celles ayant trait à cette question. Celle-ci sera donc à l’agenda 2021 des parlementaires.
Des prochains mois décisifs
Au lendemain d’une année marquée par la pandémie et les blocages d’approvisionnement qu’elle a créés, les auteurs considèrent que les prochains mois peuvent s’avérer décisifs. Leur rapport avance un cadre de réflexion, une matrice «pour les décideurs politiques, les entreprises et les citoyens».
PwC avait également invité Walter Stahel, le fondateur du Product-Life Institute à Genève. Un pionnier de l’économie circulaire, expert et consultant depuis 1983. Selon lui, la Suisse dispose de plusieurs atouts pour devenir un modèle du genre. A commencer par ses systèmes politiques et économiques décentralisés, adéquats pour créer une circularité des produits. Mais il y a aussi la capacité éprouvée et historique d’un pays sans matières premières à gérer la rareté en développant d’autres compétences.
Si la Suisse a du retard, elle peut rattraper le train en marche. Car pour l’heure, rappellent les auteurs de l’étude, le degré de circularité des matières reste très faible. Il s’élève globalement à 8,6%. Autrement dit, plus de 90% des ressources naturelles ne sont jamais réutilisées une seconde fois.
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Les systèmes politiques et économiques décentralisés de la Suisse sont adéquats pour créer une circularité des produits