25 flocons pour enchanter la morte-saison

COURTS MÉTRAGES La pandémie ferme les cinémas, mais ne tarit pas l’inspiration des réalisateurs suisses comme en témoigne «Collection Lockdown by Swiss Filmmakers – 2nd Wave». La preuve par huit films romands

Il reste quelques beaux souvenirs du printemps de 2020, comme le silence des villes sans voitures ou la virginité du ciel débarrassé des avions, et encore les 33 courts métrages réalisés par des cinéastes issus des trois grandes régions linguistiques de Suisse. On ignore encore si les bistrots fermés et les Noëls réduits de la deuxième vague de la pandémie enchanteront les mémoires futures, mais il est d’ores et déjà une occasion de se réjouir, c’est la Collection Lockdown by Swiss Filmmakers – 2nd Wave. Lancée par trois producteurs suisses, publiée sur la nouvelle plateforme Play Suisse de la SRG SSR, cette «mosaïque hétérogène» témoignant d’une période de bouleversement compte sept films venus de Suisse italienne, huit de Suisse romande et dix de Suisse alémanique.

Parlant de sexe et d’âme, mettant en scène des clowns et des extraterrestres, des moines et des immigrés, les huit contributions romandes témoignent de nouveau de l’inventivité, de la vivacité et de la générosité du cinéma suisse en matière de fiction et de documentaire.

L’amour à distance

Le coronavirus ferme les bistrots, les cinémas et les théâtres, mais l’amour résiste, sous toutes ses formes. Dans L’Amour au temps du corona, Aylin Gökmen envoie à son ami coincé en Turquie des images filmées aux alentours de Sion, vaches, châteaux et promeneurs, qu’il commente en off en attendant un visa autorisant les retrouvailles. Avec Je pense à toi, Marie Fourquet et Jean-Daniel Schneider célèbrent les grâces de l’amour physique en compagnie sensuelle de Yumie Volupté, travailleuse du sexe. Loïc Hobi met en scène une jeune fille confinée qui reçoit des SMS avec des petits coeurs, verts comme les occupants des soucoupes qui foncent vers la Terre dans Alien Sexting, un space op amusant qui fait communiquer l’espace du dedans et celui du dehors. Dans Le Siège, Juan José Lozano met face à face deux femmes, une psychothérapeute et sa patiente, rescapée de la guerre craignant que le virus ne lui tombe comme une bombe. Juste une fois, elles baissent toutes deux leur masque, juste pour mériter un sourire, un rien d’humanité.

Ce sont encore des gestes d’amour que Daniel Maurer filme dans L’Au-delà: à l’hôpital de Rennaz, la douceur et le respect du préposé au toilettage des patients décédés font croire à la pérennité de l’âme et à la bonté de l’homme. Où vont les couleurs quand la nuit tombe? Que deviennent les jongleurs et les acrobates lorsque les chapiteaux ferment? Au temps où les clowneries coagulent, Dominique Margot propose un Zoom sur le cirque qui fait le point avec quelques saltimbanques réduits à l’inactivité et à la misère. Rien n’est plus triste qu’une danseuse en tutu rose qui fait le poireau dans un potager d’hiver…

En attendant la neige

Frédéric Gonseth et Germinal Roaux reviennent en deuxième saison. Le premier, un des instigateurs et producteurs des Collections Lockdown, est bien placé pour un bis. Mais Peste et Corona, petite fiction didactique sur les épidémies, le SRAS et le Dr Yersin avec Michel Voïta en grand-père, un rôle qui lui sied depuis la Fête des Vignerons, ne fait guère d’étincelles. En revanche, Première Neige de Germinal Roaux touche au sublime. Le réalisateur lausannois revient à l’hospice du Simplon où il a tourné Fortuna. Avec un matériel minimaliste, il attend la première neige. Alternant des plans sur les rituels des chanoines et sur les montagnes dans un noir et blanc qu’il maîtrise à la perfection, doté d’un sens supérieur du cadrage, il donne à entendre le chant de la glace noire et surprend enfin les flocons mouchetant la nuit. Cet essai poétique se termine sur une pensée de Christian Bobin: «Si éclairants que soient les grands textes, ils donnent moins de lumière que les premiers flocons de neige.» A méditer.

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