Un écran révélateur plutôt que perturbateur
LYRIQUE La captation de l’opéra de Debussy par la RTS ouvre des perspectives heureuses en ces temps moroses
Malgré la situation sanitaire, il y a des raisons d’être satisfait. Elles sont rares. Mais certaines propositions se dégagent. Grâce aux accords avec la RTS, le Grand Théâtre saute lui aussi dans l’écran. L’institution lyrique multiplie les captations de ses productions, qui habituellement se comptent sur le bout d’un ou deux doigts par saison. Et, même si la vie manque, le résultat s’avère probant. Pelléas et Mélisande, enregistré dans l’urgence, a bien supporté le traitement télévisuel.
Avoir vu ce spectacle sur scène à sa création à Luxembourg offre une perspective de lecture complète. L’occasion idéale de se rendre compte des différences entre les deux approches.
Rien, jamais, ne remplacera l’expérience unique d’un spectacle vivant. Mais dans le cas de ce Pelléas et Mélisande onirique, cosmique et éminemment esthétique, l’écran se place en révélateur plus qu’en perturbateur.
Au début pourtant, l’obscurité avale l’action, qui semble se dérouler dans un tunnel bouché entre le cercle lumineux du sol et le disque étoilé du ciel. Les lumières nocturnes ne conviennent pas à la caméra. Mais peu à peu, l’éclaircissement arrive, et avec lui une intimité amplifiée et une action magnifiée.
Dimension charnelle et sensualité
Là où les ballets omniprésents pouvaient fatiguer sur le plateau luxembourgeois, le suivi et l’approche à fleur de peau des sept danseurs par l’objectif prennent une dimension charnelle et une sensualité qui incarnent superbement les sentiments des protagonistes.
Ce que le spectateur perd en vision d’ensemble et en stabilité, il le gagne en mouvements chorégraphiques et en proximité avec les chanteurs. Notamment dans la démultiplication des affects des protagonistes par la chorégraphie, la splendide scène de la tour où les fils figurant les cheveux se parent de scintillements de toiles d’araignées humides.
La mise en valeur des costumes subtils, l’aveu bouleversant des deux amoureux chuchotant leur passion coupable et les interviews diffusées pendant l’entracte constituent aussi un des atouts majeurs de cette production filmée.
La beauté visuelle est attisée par la sensibilité du réalisateur Andy Sommer, qui ajoute une part concrète au symbolisme interstellaire ambiant. Pour l’aspect musical, le placement en salle de l’orchestre trouve un bel équilibre sonore avec des micros judicieusement utilisés. Jonathan Nott et l’OSR peuvent ainsi livrer une interprétation irisée et organique, dans laquelle les chanteurs s’intègrent magnifiquement.
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