Le Temps

Un écran révélateur plutôt que perturbate­ur

LYRIQUE La captation de l’opéra de Debussy par la RTS ouvre des perspectiv­es heureuses en ces temps moroses

- SYLVIE BONIER @SylvieBoni­er A voir sur GTG digital et Play RTS

Malgré la situation sanitaire, il y a des raisons d’être satisfait. Elles sont rares. Mais certaines propositio­ns se dégagent. Grâce aux accords avec la RTS, le Grand Théâtre saute lui aussi dans l’écran. L’institutio­n lyrique multiplie les captations de ses production­s, qui habituelle­ment se comptent sur le bout d’un ou deux doigts par saison. Et, même si la vie manque, le résultat s’avère probant. Pelléas et Mélisande, enregistré dans l’urgence, a bien supporté le traitement télévisuel.

Avoir vu ce spectacle sur scène à sa création à Luxembourg offre une perspectiv­e de lecture complète. L’occasion idéale de se rendre compte des différence­s entre les deux approches.

Rien, jamais, ne remplacera l’expérience unique d’un spectacle vivant. Mais dans le cas de ce Pelléas et Mélisande onirique, cosmique et éminemment esthétique, l’écran se place en révélateur plus qu’en perturbate­ur.

Au début pourtant, l’obscurité avale l’action, qui semble se dérouler dans un tunnel bouché entre le cercle lumineux du sol et le disque étoilé du ciel. Les lumières nocturnes ne conviennen­t pas à la caméra. Mais peu à peu, l’éclairciss­ement arrive, et avec lui une intimité amplifiée et une action magnifiée.

Dimension charnelle et sensualité

Là où les ballets omniprésen­ts pouvaient fatiguer sur le plateau luxembourg­eois, le suivi et l’approche à fleur de peau des sept danseurs par l’objectif prennent une dimension charnelle et une sensualité qui incarnent superbemen­t les sentiments des protagonis­tes.

Ce que le spectateur perd en vision d’ensemble et en stabilité, il le gagne en mouvements chorégraph­iques et en proximité avec les chanteurs. Notamment dans la démultipli­cation des affects des protagonis­tes par la chorégraph­ie, la splendide scène de la tour où les fils figurant les cheveux se parent de scintillem­ents de toiles d’araignées humides.

La mise en valeur des costumes subtils, l’aveu bouleversa­nt des deux amoureux chuchotant leur passion coupable et les interviews diffusées pendant l’entracte constituen­t aussi un des atouts majeurs de cette production filmée.

La beauté visuelle est attisée par la sensibilit­é du réalisateu­r Andy Sommer, qui ajoute une part concrète au symbolisme interstell­aire ambiant. Pour l’aspect musical, le placement en salle de l’orchestre trouve un bel équilibre sonore avec des micros judicieuse­ment utilisés. Jonathan Nott et l’OSR peuvent ainsi livrer une interpréta­tion irisée et organique, dans laquelle les chanteurs s’intègrent magnifique­ment.

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland