2500 milliards d’euros, le prix de la liberté
Sans financement de notre transition énergétique, nous restons sous l’autorité de ceux qui extraient et veulent bien vendre pétrole, charbon et uranium.
Sans financement de notre sécurité sanitaire, nous n’adaptons pas nos structures aux épidémies bien plus violentes à venir, nos médicaments et nos autres supports sanitaires sont fournis par d’autres qui nous imposent leurs conditions de marché.
Sans financement de notre transition agricole, les informations des experts scientifiques qui nous assurent du changement climatique et des pénuries sévères en eau qui vont nous impacter ne peuvent permettre de réorienter rapidement et radicalement notre façon de nous nourrir de la terre et de la mer et notre souveraineté alimentaire est abandonnée.
Gare à la prochaine crise!
Ces transitions nécessitent de l’intelligence, la force de travail d’hommes et de femmes et de l’argent, beaucoup d’argent. Nous aurions besoin en Europe, outre la réorientation massive de l’épargne de tous, de 2500 milliards d’euros de nouvelle monnaie (450 milliards pour la France). Sans cela, la prochaine crise sera sans commune mesure avec celles que nous vivons.
La Banque centrale européenne (BCE) a su mettre sur la table 2000 milliards dans la crise de 2008 et 3500 milliards dans celle du covid pour éviter l’effondrement de certaines de nos institutions et assurer un provisoire minimum de solidarité sociale.
Sauf s’ils sont les économistes officiels des dirigeants du Titanic, les économistes prennent peur et qu’ils soient d’accord entre eux ou non sur les moyens, ils veulent à tout prix financer ce virage rapide de production.
Pour un effort de guerre
De fait, il n’y a que trois solutions pour financer cet effort de guerre. Il faudrait soit plus de revenu par l’impôt, soit plus de déficit des Etats, soit une création monétaire supplémentaire. L’idéal serait un mixte des trois solutions. Mais toutes ces solutions ont été rejetées par l’Europe!
Plus de revenu par l’impôt. Trouver de l’argent en augmentant les impôts des plus riches est proposé en vain depuis des années, malgré les efforts d’économistes comme Thomas Piketty. Par ailleurs, la lutte contre l’évasion fiscale a été conduite de façon à sauver les apparences mais sans désir d’aboutir radicalement. Nous ne parvenons pas à récupérer les impayés des particuliers tricheurs ni ceux des grandes entreprises.
Plus de déficit des Etats, une piste que proposent nombre d’économistes (voir les arguments d’Alain Grandjean). Peut-on espérer un relâchement des contraintes budgétaires qui pèsent sur les Etats européens endettés? Aujourd’hui, le montant de l’endettement de la France et les règles de Maastricht pour diminuer les budgets des Etats rendent impossible selon les économistes du Titanic toute dépense de plus, même vitale. L’heure est plutôt d’obéir aux règles d’un autre temps et de planifier des réductions des dépenses publiques y compris, paradoxalement, dans le secteur médical.
Une création monétaire supplémentaire par la BCE, comme le propose par exemple une centaine d’économistes européens? La BCE tente de refuser l’annulation de dettes qu’elle détient sur les Etats, se cachant derrière d’obscurs textes juridiques qui ont été pourtant tordus à souhait – et heureusement! – pour faire face aux crises post-2008. Il y aurait d’autres pistes à explorer comme l’émission d’une dette des Etats auprès de la BCE: une «dette de transitions». Les remboursements commenceraient seulement lorsque des seuils minimaux pour certains indicateurs sociaux et environnementaux seraient atteints.
Si la Banque centrale s’arcboute sur un refus de principe, nous savons ce qu’il va arriver en France au lendemain des élections: un dépeçage suivant la recette grecque.
Pour autant, l’Union européenne (UE) ne peut être le seul bouc émissaire. Aujourd’hui, de manière provisoire, la règle sur les déficits est suspendue. La France comme les autres Etats membres pourrait donc financer un plan de relance ambitieux.
Sinon que risque l’UE? Que les Etats exsangues en sortent, espérant, en se repliant, pouvoir mieux assurer une vie digne pour chacun. Il ne s’agira plus de financer les transitions énergétiques, agricoles et sanitaires, il sera trop tard… Leur seul choix sera d’appliquer des techniques de guerre de rationnement collectif et le sauvequi-peut.
Si l’UE décide dès aujourd’hui d’aider financièrement ses Etats à se préparer aux crises à venir, ne nous seront pas épargnés des efforts difficiles, une sobriété dans un contexte de pénuries et les exigences d’une démocratie égalitaire. Mais la BCE aura fait sa part en nous permettant de faire la nôtre.
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Il faudrait soit plus de revenu par l’impôt, soit plus de déficit des Etats, soit une création monétaire supplémentaire