Netflix, la validation par la salle
Alors que Disney+ lance l’offensive, le géant du streaming cherche à s’attirer les grâces des cinéphiles
En septembre 2018, le jury de la Mostra de Venise, présidé par Guillermo del Toro, remettait le Lion d’or à Alfonso Cuarón pour Roma. Même si un cinéaste mexicain récompensait un autre cinéaste mexicain, il ne fallait pas voir là un quelconque favoritisme. Car non seulement del Toro était le seul Latino-Américain d’un jury de neuf personnes, mais surtout Roma dominait la sélection de même que l’année cinéma 2018. En parallèle, les frères Coen recevaient le Prix du scénario pour leur film à sketchs The Ballad of Buster Scruggs.
Cette année-là à Venise, c’est Netflix qui triomphait: pour la première fois, deux de ses productions étaient récompensées par un grand festival international. Le géant du streaming voyait en quelque sorte sa ligne éditoriale validée par la cinéphilie traditionnelle, celle qui passe par les salles. Non contente de sa domination – pour l’heure – du marché de la diffusion en ligne par abonnement, la société californienne mène d’ailleurs une politique de plus en plus agressive sur le font du cinéma d’auteur. Ces dernières semaines, elle a aussi bien mis en ligne un petit film indépendant au budget minimal (Malcolm & Marie, de Sam Levinson) qu’une grosse production (La Mission, de Paul Greengrass) – deux longs métrages qu’elle n’a pas produits mais dont elle a acheté les droits de diffusion.
Martin Scorsese, Bong Joon-ho, Steven Soderbergh, Susanne Bier, Noah Baumbach, David Fincher, Spike Lee et bientôt Jane Campion: Netflix produit en marge de ses acquisitions de grands noms, ayant à coeur de prouver qu’elle n’est pas uniquement active dans le domaine des séries. Et aussi souvent que possible, sauf en France, où une réglementation rend impossible une exploitation simultanée sur grand et petit écran, elle aime proposer ses productions têtes de gondole aux exploitants. En Suisse romande, tant le Bellevaux à Lausanne que le Cinerama Empire à Genève projettent régulièrement des productions Netflix.
Alors que les salles souffrent d’une lente érosion de leur fréquentation, avant même la crise structurelle amorcée par la situation sanitaire, la plateforme a en outre sauvé deux cinémas prestigieux, rachetant le Paris Theatre à New York et l’Egyptian Theatre à Los Angeles. Va-t-elle investir dans d’autres territoires? Toujours est-il qu’à l’heure où Disney multiplie les sorties uniquement en ligne, cette volonté de passer aussi par la salle a de quoi lui donner une image vertueuse.
■