Quelques arguments qui plaident contre l’initiative anti-burqa
Les débats sur l’initiative anti-burqa vont bon train. On ne peut qu’être frappé par l’impression que les adversaires ne parlent pas des mêmes choses et que leurs arguments s’échangent à des niveaux différents. Les opposants se placent à trois niveaux: particulier, en soulignant le nombre infinitésimal des personnes concernées en Suisse; général, en reprochant à l’initiative de stigmatiser toute une catégorie de population; global, en criant à la violation des droits humains.
Les partisans de l’initiative, eux, pensent que le problème n’est pas dans le nombre de porteuses de burqa, ils estiment que cet accoutrement n’est que le symptôme d’un mal plus profond, le fondamentalisme islamique; ils font une distinction entre le musulman et l’islamiste et ils refusent la culpabilisation globale de notre société en s’élevant contre les thèses post-coloniales, du genre et de la diversité, venues des Etats-Unis qui pénètrent de plus en plus les universités, les médias et certaines couches politiques et intellectuelles.
Il est utile, pour éviter un débat de sourds, de le ramener dans un cadre rationnel. En considérant que l’islam est à la fois une spiritualité, une culture et une idéologie, la burqa n’incarne pas une valeur spirituelle, elle affirme l’appartenance à une culture et à une idéologie religieuse dont le projet politique est d’imposer la charia. Les controverses soulevées par le port de ce vêtement servent aux porteurs de ce projet, d’une part à renforcer leur contrôle sur une partie de la communauté musulmane en jouant sur sa prétendue victimisation et, d’autre part, à culpabiliser notre société et à tester sa capacité de défense. C’est dans ce contexte que les opposants à l’initiative viennent à leur secours en niant ou en relativisant le problème et en le déplaçant aux plans de la stigmatisation, de la victimisation et de la contrition.
Même si certains promoteurs ou défenseurs de l’initiative sont mus par des motifs politiques qu’on peut réfuter, leur initiative dépasse les clivages partisans pour exprimer le refus d’une idéologie qui décervelle, opprime et enferme. L’islamisme à l’instar des autres totalitarismes, comme l’écrit Edgar Morin dans Mes philosophes, relève de la «rationalisation, logique close, démentielle, qui opère en s’appliquant unilatéralement sur le réel et quand le réel ne se plie pas à cette logique, on le nie ou bien on lui met des forceps pour qu’il obéisse».
Le combat anti-burqa est légitime, mais il doit aller au-delà du vêtement, car sous la burqa se cachent ceux qui l’utilisent pour réaliser leurs objectifs totalitaires: les salafistes et autres fondamentalistes, mais aussi les idiots utiles qui les absolvent parce qu’ils considèrent les musulmans comme des victimes et une certaine intelligentsia qui croit trouver en eux les nouveaux opprimés de ses utopies. Ces pourfendeurs d’une société qui se distingue des autres, quoi qu’en disent ses contempteurs, par une faculté d’autocritique qui lui permet de corriger ses erreurs et par un degré de liberté et de tolérance que l’on ne trouve pas ailleurs, ne défendent pas la liberté de choix des femmes en burqa, ils ne sont que les complices de ceux qui se dissimulent sous ses plis pour détruire notre société ouverte.
En conséquence, les mesures à prendre doivent viser les faux prophètes qui par leurs discours corrompent, recrutent et incitent à la violence. L’Etat doit avoir le courage, et se donner les moyens, de les faire taire et les expulser sans état d’âme. Il est tout aussi indispensable qu’au sein des universités, des médias et de certains milieux intellectuels, des voix s’élèvent contre ceux qui se font les porteurs lobotomisés d’une pensée née outre-Atlantique dont les aspects liberticides et totalitaires sont dangereux pour les libertés de pensée et d’expression. Il faut enfin arriver à réduire les torrents de haine et de boue véhiculés en toute impunité par les réseaux sociaux. Ce n’est qu’à ces conditions que nos sociétés continueront à se distinguer de celles où règnent l’arbitraire, l’intolérance et la crainte. ■
Il faut arriver à réduire les torrents de haine et de boue véhiculés en toute impunité par les réseaux sociaux