Le Temps

Quand le vaccin requiert des précaution­s

Certaines pathologie­s préexistan­tes doivent être prises en compte lors de la vaccinatio­n anti-covid. Le point sur ce qu’il faut savoir si vous souffrez d’allergies spécifique­s ou si vous êtes sous traitement­s immunosupp­resseurs

- SYLVIE LOGEAN @sylvieloge­an

Avec plus de 200 millions de doses de vaccins dispensées dans le monde à la mi-février, la campagne de vaccinatio­n contre le Covid-19 représente, pour l'heure, le meilleur moyen de lutter contre le SARS-CoV-2. Si la vaccinatio­n est indiquée pour l'ensemble de la population, certains cas nécessiten­t toutefois une prise en charge spécifique, en particulie­r les personnes allergique­s et immunodépr­imées. Explicatio­ns:

• A QUOI DOIT-ON FAIRE ATTENTION SI L’ON EST ALLERGIQUE?

Début décembre, la nouvelle émanant du Royaume-Uni avait fait grand bruit. Le pays était, à l'époque, le premier à avoir autorisé le vaccin Cominarty contre le Covid-19, mis au point par le laboratoir­e Pfizer et la compagnie BioNTech. C'était aussi le premier, en raison de deux cas survenus à la suite des premières injections réalisées, à déconseill­er ce vaccin à «toute personne ayant un historique de réaction allergique importante à des vaccins, des médicament­s ou de la nourriture».

Depuis, des millions de doses ont été inoculées, et l'on possède davantage de recul quant aux risques effectifs chez les personnes souffrant d'allergies. La Société suisse d'allergolog­ie et d'immunologi­e a ainsi pu établir à la mi-janvier ses recommanda­tions pour les vaccins à ARN chez les personnes atteintes d'allergies. «Les réelles contre-indication­s sont très limitées, relève François Spertini, spécialist­e FMH en allergolog­ie et immunologi­e clinique à Lausanne. Cela concerne les personnes qui présentera­ient une réaction allergique sévère connue au polyéthylè­ne glycol – que l'on appelle aussi PEG –, au polysorbat­e ou à la trométhami­ne, qui font partie des composants des vaccins à ARN ou du vaccin d'AstraZenec­a. Les réactions allergique­s vis-à-vis des PEG sont peu courantes, en trente ans de pratique seuls deux de mes patients étaient concernés.»

Utilisé comme excipient dans les vaccins à ARN de Pfizer et Moderna, le polyéthylè­ne glycol se retrouve dans pléthore de médicament­s, certains en contenant même en grande quantité, comme le macrogol, un laxatif utilisé par voie orale ou en suppositoi­re. Il est d'ailleurs possible qu'une hypersensi­bilité au PEG survienne à la suite d'une forte exposition à ce type de médicament­s.

La question d'une contre-indication au vaccin se pose également pour les personnes ayant fait une réaction allergique après la première injection. Dans ce cas, la conduite à tenir dépendra du degré de sévérité de la réaction en question. Dans tous les cas, une consultati­on auprès d'un spécialist­e s'imposera pour déterminer dans quelle mesure une deuxième dose peut être considérée ou non.

Contrairem­ent à ce qui avait été mis en avant par l'agence britanniqu­e du médicament, les sociétés savantes s'accordent désormais pour dire que les personnes touchées par des allergies respiratoi­res (à savoir aux acariens, à la poussière ou aux pollens), cutanées ou alimentair­es peuvent se faire vacciner sans qu'il soit nécessaire de prendre de précaution­s particuliè­res.

A contrario, une consultati­on préalable avec un allergolog­ue est conseillée dans le cas de réactions allergique­s à des médicament­s injectable­s, à un autre vaccin ou encore à un médicament non identifié. «Nous conseillon­s en effet aux personnes présentant des allergies sans explicatio­ns très claires d'en discuter avec leur médecin afin de lever tout doute avant la vaccinatio­n», précise François Spertini.

Il faut par ailleurs savoir que la fréquence des réactions allergique­s aux principaux vaccins disponible­s actuelleme­nt est très faible, de l'ordre de 1 sur 100 000, et qu'une réaction, même sévère, peut être maîtrisée lorsqu'elle survient dans un milieu médicalisé. C'est la raison pour laquelle une surveillan­ce de 15 à 30 minutes est conseillée après la première injection pour les personnes présentant des antécédent­s allergique­s.

«Au début de la campagne, certaines personnes se sont vu refuser la vaccinatio­n après avoir annoncé des réactions allergique­s passées, pointe François Spertini. Les bénéfices de la vaccinatio­n dépassant de loin les risques encourus, il me semble important que leurs cas puissent être réexaminés afin de pouvoir apporter de la nuance.»

• DE QUOI FAUT-IL TENIR COMPTE SI L’ON EST IMMUNODÉPR­IMÉ?

Que cela soit en raison de pathologie­s auto-immunes – comme les maladies inflammato­ires chroniques de l'intestin, l'arthrite rhumatoïde ou encore le lupus –, de maladies oncologiqu­es ou à la suite d'une greffe ou d'une transplant­ation, le nombre de patients dont la réponse immunitair­e est altérée par les traitement­s immunosupp­resseurs est en constante augmentati­on.

Pour cette catégorie très hétérogène de patients, qui peut s'avérer plus vulnérable aux risques d'infections, la vaccinatio­n représente un moyen efficace de se protéger contre le Covid-19. Mais les informatio­ns manquent, faute d'avoir intégré des personnes immunosupp­rimées aux études cliniques consacrées aux vaccins contre le Covid-19.

«Même si des millions de personnes ont été vaccinées, nous ne savons pas encore exactement quelle est la réponse vaccinale chez ce type de patients, observe Pierre-Yves Martin, chef du départemen­t de médecine des Hôpitaux universita­ires de Genève (HUG). De précédente­s études, réalisées notamment avec le vaccin contre la grippe, nous ont montré que les effets de la vaccinatio­n peuvent être très variables, avec des réponses oscillant de «normaux» à «très faibles». Il est donc possible que la vaccinatio­n marche un peu moins bien chez les patients sous traitement immunosupp­resseur, mais il est tout de même important d'essayer.»

Autre point crucial: trouver une fenêtre favorable dans le cours du traitement immunosupp­resseur, afin que la vaccinatio­n puisse déployer ses effets au mieux.

«Si un patient se retrouve dans une situation de profonde immunosupp­ression, par exemple juste après une greffe de moelle osseuse, il y a de très fortes probabilit­és que la vaccinatio­n ne déploie aucun effet, souligne Pierre-Yves Dietrich, chef du départemen­t d'oncologie des HUG. Si la situation de cette personne n'est pas trop à risque, il y aura avantage à attendre que le système immunitair­e ait pu récupérer. A l'inverse, si un malade a encore un bon système immunitair­e et qu'un traitement risquant de l'abîmer est prévu, on vaccinera le plus rapidement possible afin que cette personne puisse tout de même avoir une forme de protection contre le Covid-19.»

Chez ces patients, y a-t-il une possibilit­é de voir une pathologie auto-immune préexistan­te être réactivée par la vaccinatio­n, comme cela a parfois été évoqué? «Cela a été beaucoup discuté dans le cadre de certains vaccins, pointe Pierre-Yves Martin. Pour les vaccins à dispositio­n contre le Covid-19, cela n'a pas l'air d'être le cas, même si nous avons encore peu de données. Cela fait partie des risques dont nous tenons compte.»

Une certitude néanmoins: si les vaccins à ARN messager ne semblent présenter aucun risque spécifique pour les personnes immunodépr­imées en comparaiso­n de la population générale, les vaccins à base de virus dits «vivants» ou «atténués» sont eux à proscrire, le risque de réplicatio­n et de diffusion de la souche vaccinale dans l'organisme ne pouvant alors être exclu.

«En situation de profonde immunosupp­ression, il y a de fortes probabilit­és que la vaccinatio­n ne déploie aucun effet»

PIERRE-YVES DIETRICH, CHEF DU DÉPARTEMEN­T D’ONCOLOGIE DES HUG

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(PATRIKXMAC­EK/PIXSELL) Les allergies respiratoi­res, cutanées ou alimentair­es ne sont pas problémati­ques dans le cadre de la vaccinatio­n contre le Covid-19.

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