Le Temps

Des fonds exigent des vaccins pour tous

Des grands fonds d’investisse­ment se sont engagés mardi à faciliter l’accès aux vaccins, plus particuliè­rement dans les pays pauvres. Ils envisagent d’intervenir auprès des pharmas et d’émettre des obligation­s pour financer des programmes contre le Covid-

- RAM ETWAREEA @rametwaree­a

Les fonds d’investisse­ment se mobilisent. Ils étaient 150, y compris des Suisses, à se joindre mardi à un appel en faveur d’une réponse globale et équitable à la pandémie qui a déjà fait plus de 2,5 millions de morts dans le monde. Les signataire­s qui gèrent au total 14 000 milliards de dollars d’actifs s’engagent à promouvoir le développem­ent et la production des vaccins ainsi qu’à assurer leur distributi­on dans les pays pauvres. «Cette déclaratio­n apporte un solide soutien au Covax, le mécanisme de l’Organisati­on mondiale de la santé (OMS) en faveur de l’accès aux vaccins, déclare au Temps Damiano de Felice, chef stratège d’Access to Medicine Foundation, une organisati­on basée à Amsterdam et cheville ouvrière de l’initiative des investisse­urs.

Les signataire­s, dont AllianceBe­rnstein, Nomura, Schroders, Axa Asset Management, Colombia Threadneed­le ou encore EOS, affirment vouloir passer de la parole à l’acte. «En premier, en tant qu’actionnair­es, ils s’engagent à nouer le dialogue avec les entreprise­s, notamment pharmaceut­iques, afin que ces dernières augmentent leur capacité de production des vaccins, détaille Damiano de Felice. Dans le même ordre d’idées, ces investisse­urs vont pousser les conseils d’administra­tion à négocier des licences volontaire­s afin que d’autres entreprise­s ayant des facilités puissent produire les vaccins.» Objectif: augmenter rapidement la production puis la distributi­on aux quatre coins du monde. Le modèle est tout trouvé: The Serum Institute of India produit des vaccins du géant anglo-suédois AstraZenec­a et Aspen, la société sud-africaine qui en fait autant sous contrat avec l’américaine Johnson & Johnson.

Emissions d’obligation­s covid?

Un deuxième axe d’interventi­on est envisagé par ces fonds. Ils pourraient émettre des obligation­s covid. A l’instar d’obligation­s vertes qui sont destinées à la protection de l’environnem­ent, les fonds levés serviraien­t à financer les programmes de l’OMS et d’autres organisati­ons qui oeuvrent dans la lutte contre la pandémie. Selon Damiano de Felice qui cite une étude du Centre internatio­nal du commerce, les bénéfices qui découlerai­ent d’un accès global aux vaccins s’élèveraien­t à 466 milliards de dollars d’ici à 2025, rien que pour les dix principale­s économies. «C’est 12 fois de plus que les coûts des vaccins, tests, équipement­s médicaux et médicament­s qui seraient nécessaire­s pour vaincre la pandémie, analyse-t-il.

Le cas échéant, le prix serait très élevé. Le nombre de décès dépasserai­t les 5 millions et l’économie mondiale aurait perdu pas moins de 9000 milliards de dollars sur une année.»

Cinq investisse­urs suisses participen­t à l’appel: Baloise Asset Management, Ethos, Forma Futura, GAM Investment et RAM Active Investment­s. Jenna Denyes, analyste chez GAM, ne cache pas une certaine déception face à la situation actuelle: «Le monde a célébré le développem­ent des vaccins; pour la communauté scientifiq­ue, c’était une percée historique qui allait changer le cours de la pandémie. Malheureus­ement, leur distributi­on inéquitabl­e montre une réalité plus sombre.» Et d’ajouter: «Pour notre part, nous voulons un retour rapide à la normale pour l’économie globale. D’où notre soutien à cette initiative qui appelle aux dirigeants mondiaux de penser à au-delà de leurs frontières.»

Beaucoup d’enthousias­me

Pour sa part, Vincent Kaufmann, directeur de la fondation Ethos, relève que le G7 a pris vendredi de nouveaux engagement­s financiers pour soutenir le Covax. «Toujours est-il qu’il y manque encore 22,9 milliards de dollars, dit-il. Nous allons demander aux entreprise­s pharmaceut­iques d’assurer l’accès aux programmes de santé à des prix raisonnabl­es.»

Sur la liste des 150 investisse­urs institutio­nnels, quelques grands noms manquent, à l’instar de BlackRock qui est le plus grand gestionnai­re des fonds au monde. «Cette liste n’est pas close, répond Damiano de Felice. Notre initiative suscite toujours beaucoup d’enthousias­me, mais il faut plus de temps pour finaliser les procédures avec les plus grands.» ■

 ?? (BIONTECH/REUTERS) ?? Les 150 fonds d’investisse­ment en faveur d’une réponse globale et équitable à la pandémie vont «dialoguer avec les entreprise­s, notamment pharmaceut­iques, afin que ces dernières augmentent leur capacité de production des vaccins».
(BIONTECH/REUTERS) Les 150 fonds d’investisse­ment en faveur d’une réponse globale et équitable à la pandémie vont «dialoguer avec les entreprise­s, notamment pharmaceut­iques, afin que ces dernières augmentent leur capacité de production des vaccins».

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland