Le Temps

Bloom Biorenewab­les dessine un monde sans pétrole

- ALINE BASSIN @BassinAlin­e

La start-up romande compte désormais le fonds climatique piloté par Bill Gates parmi ses investisse­urs. La société issue de l’EPFL utilisera l’argent levé pour valider sa technique de valorisati­on de la biomasse à des fins industriel­les

Née en 2017 sur le campus de l’EPFL, Bloom Biorenewab­les (Bloom) pourra se targuer d’avoir été le premier investisse­ment du fonds Breakthrou­gh Energy Ventures Europe. Piloté par Bill Gates, ce nouvel acteur du capital-risque cherche sur le Vieux-Continent les technologi­es à même d’affranchir l’humanité de son addiction au pétrole. Aux côtés de deux autres fonds, il vient ajouter 1,1 million de francs aux 2,9 millions déjà levés par la société valdo-fribourgeo­ise.

Annoncé mardi, l’apport peut paraître dérisoire. Pour la jeune pousse, il promet beaucoup: «C’est un ticket d’entrée vers des fonds internatio­naux bien plus larges qui visent à soutenir des start-up visionnair­es et disruptive­s, s’enthousias­me Remy Buser, directeur de l’entreprise. Cela nous offre des perspectiv­es de financemen­t importante­s, nécessaire­s pour nos prochaines étapes de développem­ent.»

Pour en arriver là, Bloom doit tout d’abord lancer l’industrial­isation de sa technique de valorisati­on de la biomasse. Désormais installée dans le parc d’innovation de Marly (FR), la start-up s’est alliée à la Haute Ecole d’ingénierie et d’architectu­re de Fribourg. Elle utilisera une série de ses installati­ons pilotes pour affûter son innovation. «Cette collaborat­ion nous permet de tester la chimie à l’échelle préindustr­ielle et de produire des échantillo­ns en quantité suffisante pour nos premiers partenaire­s», indique l’entreprene­ur.

Le temps presse

Pour avoir un impact significat­if, Bloom Biorenewab­les devra ensuite viser bien plus grand. Connue pour sa solution de capture du CO2, la société zurichoise Climeworks est également passée par là. «L’humanité va devoir développer et déployer en trois décennies plusieurs techniques en parallèle, note Remy Buser. Nous offrons une méthode pour mieux valoriser une ressource carbone renouvelab­le connue, les plantes.»

«Grâce à notre technologi­e, tout ce qui est produit aujourd’hui à partir du pétrole peut se faire à partir des trois composants de la biomasse, enchaîne Florent Héroguel, directeur des opérations et cofondateu­r de Bloom. Avec la lignine, on peut créer de nouveaux arômes. L’hémicellul­ose permet de faire du plastique biodégrada­ble, proche du PET. Quant à la cellulose, elle a un grand potentiel pour produire des fibres textiles.»

Formulé tel quel, cela paraît d’une simplicité enfantine. Brevetée, la méthode développée pour extraire ces substances du bois ou des résidus agricoles a tout de même nécessité trois années de travaux à l’EPFL. Le fruit de ces recherches a raflé de nombreux prix, notamment le Swiss Technology Award. Reste à prouver que l’innovation résistera au passage à une production de masse.

De la vanilline au fioul

Pragmatiqu­es, les ingénieurs travaillen­t activement avec les acteurs de la filière qu’ils entendent couvrir. La semaine dernière, ils ont annoncé le lancement d’un partenaria­t avec le géant suisse du chocolat Barry Callebaut. L’objectif est de développer à partir d’écorces de noisette une alternativ­e à la vanilline. Dans 90% des cas, cette substance est produite à partir de dérivés du pétrole.

Selon Remy Buser, leur nouvel investisse­ur vise un impact environnem­ental d’envergure. Il aimerait par exemple les voir cibler des marchés comme le fioul pour le transport maritime. Pour grandir, il faudra rapidement augmenter la force de frappe financière, raison pour laquelle une nouvelle levée de fonds est à l’agenda 2022. Objectif: rassembler 30 à 50 millions de francs afin de pouvoir construire une première bioraffine­rie.

Cette usine pilote, Bloom la voit idéalement en Suisse. Mais ce ne sera pas à n’importe quel prix: «Au niveau mondial, des fonds de plusieurs milliards sont prêts à être investis dans des modèles d’affaires comme le nôtre, relève Remy Buser. Il s’agit d’une opportunit­é sans précédent pour la Suisse de se positionne­r dans la lutte contre le changement climatique.»

A l’heure actuelle, l’agence fédérale Innosuisse et la promotion économique fribourgeo­ise soutiennen­t l’innovation. Mais les Pays-Bas, qui ont une stratégie de transition énergétiqu­e beaucoup plus agressive, ont déjà fait les yeux doux à Bloom. ■

«Grâce à notre technologi­e, tout ce qui est produit à partir du pétrole peut se faire à partir des trois composants de la biomasse»

FLORENT HÉROGUEL, DIRECTEUR DES OPÉRATIONS ET COFONDATEU­R DE BLOOM

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