Le Temps

Le risque d’inflation est sous-estimé, avertit Axel Weber

- EMMANUEL GARESSUS, ZURICH @garessus

Les prix se tendent et la prochaine sortie des différente­s formes de confinemen­t pourrait accélérer leur hausse, avertit Axel Weber, président d’UBS. Une hausse des prix de 3% en Europe dès cette année est maintenant évoquée par la Bundesbank

Le spectre de l’inflation fait son apparition avant même la fin des restrictio­ns liées à la pandémie. Les marchés financiers n’apprécient pas du tout cette surprise. Les rendements prennent l’ascenseur, à 1,36% pour les obligation­s à 10 ans du Trésor américain, contre moins de 1% au début janvier. Les actions corrigent sévèrement mardi, dans l’attente d’une audition de Jerome Powell, président de la Fed, devant le Sénat américain mardi soir. Dans ce contexte, Axel Weber, président d’UBS, dans une chronique publiée par le réseau médiatique Project Syndicate, a exprimé des craintes si claires et fortes qu’elles marquent les esprits.

«Les modèles des économiste­s sont basés sur les données des 50 dernières années, mais les conditions économique­s actuelles sont sans précédent», écrit Axel Weber. La hausse des prix devrait dépasser 3% en mai aux Etats-Unis et 2% dans la zone euro, prévoit-il.

Le FMI prévoit certes une inflation «contenue» jusqu’en 2025. Mais ses prévisions sont de plus en plus remises en question. L’économiste allemand Volker Wieland, l’un des «cinq Sages» qui conseillen­t le gouverneme­nt rhénan, évoque un taux de 3% en Allemagne en fin d’année, selon la Handelszei­tung. Jens Weidmann, président de la Bundesbank, qualifie de «réaliste» une inflation supérieure à 3% au terme de 2021. Une fois de plus, les prévisions sont-elles erronées?

L’inflation américaine, qui s’est établie à 1,3% en 2020, devrait tourner environ autour de 2,25% en 2022, selon le FMI. L’organisati­on ne convainc pas tous les économiste­s. Le regain d’inflation attendu ces prochains mois par UBS provient d’abord d’un effet de base par rapport aux restrictio­ns intervenue­s au premier semestre 2020. Ces premières tensions devraient être interprété­es comme un «avertissem­ent», estime Axel Weber.

Le président d’UBS et ancien président de la Bundesbank corrige les idées communémen­t admises sur l’impact de la pandémie sur le renchériss­ement. Les restrictio­ns ont, à son avis, déplacé la demande vers des produits dont les prix sont en hausse en raison de goulots d’étrangleme­nt.

Renchériss­ement du panier de la ménagère

«Dans les calculs actuels, la hausse des prix des biens est compensée par la baisse enregistré­e dans des services tels que les transports aériens. Mais en réalité la consommati­on de nombreux services a fortement diminué en raison du moindre nombre de voyageurs», écrit-il. En clair, le panier de la ménagère est plus cher que ne l’indique l’indice des prix à la consommati­on, ajoute-t-il. Lorsque les gouverneme­nts réduiront les mesures de confinemen­t, l’inflation pourrait s’accroître si l’offre est insuffisan­te pour répondre à la demande.

Les politiques monétaires et budgétaire­s très expansives créent un risque d’inflation additionne­l, selon Axel Weber. Les bilans des banques centrales se sont accrus de 13 points de PIB l’an dernier et les déficits budgétaire­s de 11 points, selon UBS. L’histoire montre enfin, selon l’ancien membre des gouverneur­s de la BCE, que les épisodes de fort endettemen­t se terminent souvent par une augmentati­on du coût de la vie.

«Beaucoup trop de monde sous-estime le risque d’inflation», conclut le président d’UBS. Or, une nette hausse des prix pourrait «produire des effets dévastateu­rs», craint-il. ■

PRÉSIDENT D UBS

«Les modèles des économiste­s sont basés sur les données des 50 dernières années, mais les conditions économique­s actuelles sont sans précédent»

 ??  ?? AXEL WEBER
AXEL WEBER

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland