Le risque d’inflation est sous-estimé, avertit Axel Weber
Les prix se tendent et la prochaine sortie des différentes formes de confinement pourrait accélérer leur hausse, avertit Axel Weber, président d’UBS. Une hausse des prix de 3% en Europe dès cette année est maintenant évoquée par la Bundesbank
Le spectre de l’inflation fait son apparition avant même la fin des restrictions liées à la pandémie. Les marchés financiers n’apprécient pas du tout cette surprise. Les rendements prennent l’ascenseur, à 1,36% pour les obligations à 10 ans du Trésor américain, contre moins de 1% au début janvier. Les actions corrigent sévèrement mardi, dans l’attente d’une audition de Jerome Powell, président de la Fed, devant le Sénat américain mardi soir. Dans ce contexte, Axel Weber, président d’UBS, dans une chronique publiée par le réseau médiatique Project Syndicate, a exprimé des craintes si claires et fortes qu’elles marquent les esprits.
«Les modèles des économistes sont basés sur les données des 50 dernières années, mais les conditions économiques actuelles sont sans précédent», écrit Axel Weber. La hausse des prix devrait dépasser 3% en mai aux Etats-Unis et 2% dans la zone euro, prévoit-il.
Le FMI prévoit certes une inflation «contenue» jusqu’en 2025. Mais ses prévisions sont de plus en plus remises en question. L’économiste allemand Volker Wieland, l’un des «cinq Sages» qui conseillent le gouvernement rhénan, évoque un taux de 3% en Allemagne en fin d’année, selon la Handelszeitung. Jens Weidmann, président de la Bundesbank, qualifie de «réaliste» une inflation supérieure à 3% au terme de 2021. Une fois de plus, les prévisions sont-elles erronées?
L’inflation américaine, qui s’est établie à 1,3% en 2020, devrait tourner environ autour de 2,25% en 2022, selon le FMI. L’organisation ne convainc pas tous les économistes. Le regain d’inflation attendu ces prochains mois par UBS provient d’abord d’un effet de base par rapport aux restrictions intervenues au premier semestre 2020. Ces premières tensions devraient être interprétées comme un «avertissement», estime Axel Weber.
Le président d’UBS et ancien président de la Bundesbank corrige les idées communément admises sur l’impact de la pandémie sur le renchérissement. Les restrictions ont, à son avis, déplacé la demande vers des produits dont les prix sont en hausse en raison de goulots d’étranglement.
Renchérissement du panier de la ménagère
«Dans les calculs actuels, la hausse des prix des biens est compensée par la baisse enregistrée dans des services tels que les transports aériens. Mais en réalité la consommation de nombreux services a fortement diminué en raison du moindre nombre de voyageurs», écrit-il. En clair, le panier de la ménagère est plus cher que ne l’indique l’indice des prix à la consommation, ajoute-t-il. Lorsque les gouvernements réduiront les mesures de confinement, l’inflation pourrait s’accroître si l’offre est insuffisante pour répondre à la demande.
Les politiques monétaires et budgétaires très expansives créent un risque d’inflation additionnel, selon Axel Weber. Les bilans des banques centrales se sont accrus de 13 points de PIB l’an dernier et les déficits budgétaires de 11 points, selon UBS. L’histoire montre enfin, selon l’ancien membre des gouverneurs de la BCE, que les épisodes de fort endettement se terminent souvent par une augmentation du coût de la vie.
«Beaucoup trop de monde sous-estime le risque d’inflation», conclut le président d’UBS. Or, une nette hausse des prix pourrait «produire des effets dévastateurs», craint-il. ■
PRÉSIDENT D UBS
«Les modèles des économistes sont basés sur les données des 50 dernières années, mais les conditions économiques actuelles sont sans précédent»