Deux regards sur le Valais issu des urnes le 28 mars
Le 28 mars dernier, le canton du Valais a renouvelé son gouvernement. Nous avons élu deux PDC, un PS, un UDC et un PLR. Nous avons élu trois Romands et deux Haut-Valaisans. Nous avons élu trois conservateurs et deux progressistes. Nous nous sommes félicités d'une meilleure répartition des sièges et nous nous sommes réjouis d'un Valais dit «pluriel». Nous avons élu cinq hommes, cisgenres, blancs, hétérosexuels et catholiques. Mais alors, de quelle pluralité parle-t-on? Nous parlons d'une pluralité politique, celle de la représentation des partis et des régions. Une pluralité dictée par le patriarcat, du temps de la politique de grand-papa.
A l'heure où l'on se félicite d'un gouvernement «pluriel», les femmes restent sur le carreau. Le PDC aurait manqué une occasion de sauver son troisième siège en ne présentant pas de femme. Mais est-ce bien à ça que nous aspirons, servir la tactique d'un parti en détresse? Les femmes PDC ont eu fin nez de ne pas s'associer à la perte du 3e siège en n'y candidatant pas. Leur accession au gouvernement (dans quatre ans?) n'en sera que plus belle.
Certains sautent de joie car la majorité PDC a volé en éclats, mais est-ce un changement suffisant? Le Valais changera quand sa constitution permettra de parler de valeurs plutôt que du haut et du bas du canton et des quotas inhérents. Notons, en passant, que ceux qui soutiennent les deux sièges hautvalaisans sont les mêmes qui hurlent à la mention des quotas de femmes. Le Haut-Valais représente à peine 25% de la population et nous leur octroyons deux sièges. Les femmes, nous représentons 50% et nous n'en avons pas. Le 14 juin 2019, nous étions 12000 dans les rues de Sion pour demander un Valais plus égalitaire. Aujourd'hui, nous n'avons ni conseillère nationale ni conseillère d'Etat. Que ce Valais progressiste, ce Valais de demain, se réalise dans les urnes également!
Mais alors, qu'est-ce que ce vote va changer pour le Valais? Nous gagnons un parlement probablement un peu plus apaisé car toutes les familles politiques sont représentées au gouvernement. Mais est-ce qu'un gouvernement 100% masculin est très différent du 4-1 que nous avions ces douze dernières années? Esther Waeber-Kalbermatten avait le mérite d'être un exemple. Pendant douze ans, toutes les jeunes femmes des écoles valaisannes, à l'heure de choisir leur orientation professionnelle, ont su que conseillère d'Etat était un métier accessible pour elles.
Si le gouvernement a fait un pas en arrière en matière d'égalité, le parlement, lui, a changé de visage. En effet, nous étions 19% de femmes à occuper la fonction de députée en 2017; nous sommes 34% en 2021. Ce changement laisse augurer de nouvelles synergies. Nous pourrons demander l'application sans retenue de la loi sur l'égalité salariale en imposant des contrôles dans les entreprises. Nous demanderons que les protections hygiéniques soient distribuées gratuitement dans les établissements scolaires du canton. Nous demanderons l'assouplissement des conditions d'admission dans les crèches. Nous nous battrons, à l'échelle cantonale, contre la hausse de l'âge de la retraite des femmes. Nous exigerons des mesures contre le harcèlement de rue. En matière de violences conjugales, nous demanderons l'application stricte de la Convention d'Istanbul. Enfin, nous nous battrons contre le sexisme ordinaire en multipliant les actions pour que la honte change de camp, car c'est le regard des hommes qui pose problème, pas la longueur de nos jupes.
Je sais que je ne suis pas la seule à rêver de ce Valais pluriel: inclusif, égalitaire et solidaire. Un Valais qui ne se sent pas représenté dans son entièreté par cinq hommes blancs cravatés. Si les partis prennent au sérieux la question de l'égalité, alors je me réjouis du changement prochain de paradigme, dans quatre ou huit ans… ■
Ceux qui soutiennent les deux sièges hautvalaisans sont les mêmes qui hurlent à la mention des quotas de femmes