Le Temps

Mille pistes pour rentabilis­er le combat climatique

- SERVAN PECA @servanpeca

ENVIRONNEM­ENT Présenter la lutte contre le réchauffem­ent «non pas comme un problème, mais comme une opportunit­é de faire du profit». Tel est le credo de Bertrand Piccard. La Fondation Solar Impulse, dont il est le président, a certifié 1000 solutions lucratives pour rentabilis­er le combat climatique. Des pistes qui englobent les secteurs de l’eau, de l’énergie, de la constructi­on, de la mobilité, de l’industrie et de l’agricultur­e. Prochaine étape: en fournir une sélection aux chefs d’Etat du monde entier.

Manor Food rejoint l’applicatio­n Too Good To Go, qui confirme ainsi le succès de son modèle d’affaires. Mais lorsque les grandes enseignes se mettent à lutter contre le gaspillage, une nouvelle concurrenc­e émerge pour les banques alimentair­es

Le succès de Too Good To Go ne fait pas que des heureux. A Marin (NE), cela fait seulement quelques jours que le magasin Manor travaille avec l’applicatio­n danoise lui permettant de proposer ses produits invendus à prix réduits. Et l’associatio­n Un jour sans faim, qui reçoit et redistribu­e, elle gratuiteme­nt, ces mêmes invendus à des personnes dans le besoin, en ressent déjà les conséquenc­es.

Il y a moins de fruits et légumes, constate par exemple sa responsabl­e, Yolande Liechti. «Nous sommes très inquiets. Il faudra voir comment cela évolue ces prochaines semaines, mais l’on sait déjà que ce genre d’applicatio­ns concerne le même type de produits que les nôtres.»

Après Migros, Aligro, Pouly et un peu plus de 4000 petits et moins grands commerçant­s en Suisse, Manor a annoncé lundi le début de sa collaborat­ion avec Too Good To Go. Les tests menés dans trois magasins ont été concluants. Pour les quelque 1,3 million d’utilisateu­rs suisses enregistré­s, il sera désormais possible, dans 21 points de vente, de retirer un panier de fruits et légumes, de pains ou de plats préparés invendus. Comme le veut le système de Too Good To Go, leur prix, entre 4,90 et 9,90 francs, est trois fois inférieur à celui des mêmes produits qui auraient été vendus en rayon.

2,90 francs par transactio­n

Mais cette règle est bien la seule, insiste le porte-parole de la société, dont les 26 collaborat­eurs présents dans le pays sont répartis entre Lausanne et Zurich. «L’objectif est de laisser le plus de flexibilit­é possible à nos partenaire­s. Voilà pourquoi il n’y a pas de contrat fixe, ni de minimum imposé.» Sur chaque transactio­n, Too Good To Go perçoit 2,90 francs.

Autrement dit, Manor gagne 2 francs en revendant un panier dont la valeur initiale était de 15 francs. Rentable? «La rentabilit­é n’était pas primordial­e dans ce projet. La priorité est clairement la conservati­on des ressources, répond la porte-parole de Manor. Dans nos supermarch­és, 10 à 15 paniers Too Good To Go par magasin sont vendus. Les coûts de personnel et les retours financiers s’équilibren­t, donc.»

Mais la démocratis­ation de la lutte contre le gaspillage alimentair­e risque de faire des perdants. Chaque matin, Un jour sans faim récolte à Marin plusieurs dizaines de caissettes maraîchère­s. Elle peut ainsi aider une quinzaine de familles. Du moins jusqu’ici. «Va-t-on devoir réduire cette aide? Devra-t-on, nous aussi, acheter ces paniers sur l’applicatio­n?» s’interroge Yolande Liechti. Elle prévoit de contacter les responsabl­es du magasin pour trouver des arrangemen­ts. «Je sais que les clients de To Good To Go sont très contents des bonnes affaires qu’ils réalisent, mais ils ne se rendent pas compte de l’effet que cela peut avoir sur nous.»

Accord trouvé à Genève

«Les associatio­ns sont et restent nos principaux clients en ce qui concerne les invendus, rassure la porte-parole de Manor. Nous avons par exemple donné une grande quantité de chocolats de Pâques invendus à la G4 Foundation pour les hôpitaux de Romandie.» Migros Genève, après 30000 paniers revendus via l’applicatio­n depuis l’été dernier, évoque une «complément­arité». La banque alimentair­e Partage, avec qui elle collabore depuis quinze ans, reprend des produits qui ont encore deux ou trois jours de durée de vie, tandis que To Good To Go se concentre sur les produits frais.

«Les associatio­ns et nous sommes complément­aires, confirme le porte-parole de la plateforme. Selon leur disponibil­ité ou les produits en question, elles ne peuvent pas tout reprendre. C’est là que les paniers Too Good To Go doivent intervenir. C’est le message que l’on fait passer auprès des commerçant­s.»

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