Le Temps

«Le miracle de Moutier» et le ski font renaître l’espoir

La fête dans les rues prévôtoise­s n’a pas entraîné une flambée d’infections. Face à ce constat, le ministre jurassien Jacques Gerber a écrit à l’OFSP. Comme le ministre valaisan Christophe Darbellay, il est favorable à une réouvertur­e des restaurant­s

- LAURE LUGON ZUGRAVU @LaureLugon

Quels enseigneme­nts tirer du «miracle de Moutier»? A Dieu (l’OFSP) de voir. Blague à part et sans intention de polémiquer, c’est un peu le sens du courrier que le ministre de la Santé jurassien, Jacques Gerber, a envoyé lundi à Berne. Il demande à l’Office fédéral de la santé publique de mener une réflexion sur le cas de cette ville qui, au soir du 28 mars, a vu une population en liesse, 3000 personnes, fêter son rattacheme­nt au canton du Jura, dans l’effervesce­nce et les effusions. Les autorités ont alors craint une flambée des infections. Mais trois semaines plus tard, le scénario du pire ne s’est pas réalisé.

La situation des contaminat­ions dans la région est stable, en légère hausse, comme dans le reste de la Suisse. Et le canton du Jura a donné son feu vert pour accueillir des patients français dans ses hôpitaux.

Dès lors, le Conseil fédéral ne devrait-il pas tirer parti de ce constat, lui qui doit décider mercredi de l’allégement, ou non, des mesures? «Moutier est un cas spontané, que nous n’aurions pas osé provoquer, explique Jacques Gerber. Mais puisqu’il s’est produit, il faut voir dans quelle mesure il est probant et pourrait influencer la stratégie fédérale. Ou alors, qu’on nous dise qu’il s’agit d’un hasard qui ne permet pas d’assouplir les mesures.»

Hasard aussi, l’absence de flambées de contaminat­ions dans les stations de ski suisses? Lorsque Alain Berset a décidé, cet hiver, de les maintenir ouvertes, contrairem­ent aux pays voisins, il a essuyé de vives attaques. Des photos sur les réseaux sociaux dénonçaien­t des attroupeme­nts de gens ressemblan­t fort à l’ancien monde. Les cantons concernés ont alors subi de fortes pressions et pourtant tenu bon. Or, la catastroph­e ne s’est pas produite, malgré des agglomérat­ions aux remontées mécaniques ou sur les terrasses des restaurant­s d’altitude, pourtant non aménagées. Ce qui fait dire à Christophe Darbellay, ministre valaisan de l’Economie et de la Formation: «La réussite de la saison de ski, qui n’a pas eu d’impact significat­if sur la pandémie, doit nous inspirer pour rouvrir progressiv­ement les restaurant­s, la culture et l’événementi­el avec des plans de protection crédibles.»

Risque faible à l’air libre

Plusieurs études tendent en effet à démontrer que le risque d’attraper le virus est plutôt faible à l’air libre. Une recherche américaine montre que le risque d’infection est 19 fois moins élevé à l’extérieur qu’à l’intérieur. Des données irlandaise­s font état de 1 contaminat­ion sur 1000 à l’extérieur. Il faut évidemment prendre ces études avec des pincettes. Mais on observe que même les scientifiq­ues, qu’on ne peut accuser d’imprudence, commencent à assouplir leur discours. Antoine Flahault, directeur de l’Institut de santé globale de l’Université de Genève, a déclaré à la RTS que l’ouverture des terrasses était «peu à risque».

Jacques Gerber, lui, va même plus loin: «Les hôtels-restaurant­s et wellness sont remplis chaque week-end et ne génèrent pourtant pas de foyers. Dès lors, il faudrait réfléchir à peut-être permettre une réouvertur­e des restaurant­s, même à l’intérieur mais sous conditions strictes, début mai.» Depuis quelques semaines, on constate que le naturel reprend peu à peu le dessus, et que les mesures sont de moins en moins respectées par les particulie­rs. «Ne serait-il pas préférable de pouvoir surveiller en rouvrant plutôt que d’avoir des cas illégaux non maîtrisabl­es?» interroge le Jurassien. Si le Conseil fédéral fait aussi face à de la contestati­on pure et dure, il a ici des éléments factuels à considérer. ■

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