Les entrepreneurs genevois sont sensibles au développement durable mais le pratiquent peu
Une étude inédite commandée par la Chambre de commerce et d’industrie permet de comprendre la sensibilité des entreprises envers la durabilité. L’institution lance une charte et se veut prescriptrice dans ces domaines
Les entrepreneurs genevois sont sensibles aux thématiques de durabilité et de responsabilité sociale, mais seule une fraction d’entre eux ont déjà pris des mesures concrètes dans ces domaines. Voilà la conclusion d’une étude inédite qu’a commandée la Chambre de commerce et d’industrie de Genève (CCIG) et dévoilée lundi.
«Quelle croissance pour Genève? Le point de vue des entreprises» a été confiée à Giovanni Ferro Luzzi et Sylvain Weber, de l’Institut de recherche appliquée en économie et gestion. Les deux chercheurs se sont entourés d’un comité de dix membres, principalement des universitaires.
Le travail s’est déroulé en deux phases. La première a été lancée «dans le monde d’avant», a résumé Vincent Subilia, directeur de la CCIG. Elle a consisté à étudier les effets de la croissance à Genève sur plusieurs décennies, dans sa complexité. L’accélération économique dans les années 80 a par exemple permis un accroissement spectaculaire du niveau de vie par rapport à celui des années 50. Plus riches, les Genevois se sont également déplacés de manière plus intense, générant une pollution supérieure. En 1980, chaque passager à Cointrin consommait 55 litres de kérosène en moyenne, contre 75 en 2020.
Différents degrés de sensibilité
La seconde phase a été menée entre décembre 2020 et mars 2021 sous la forme d’un questionnaire envoyé aux 2400 membres de la CCIG, auquel 262 ont répondu. Un échantillon qui satisfait les chercheurs. Cette partie, à visée microéconomique, renseigne sur les entrepreneurs contemporains et leur degré de sensibilité aux questions de croissance, de développement durable et de responsabilité sociale de l’entreprise. Ces concepts, assure Sylvain Weber, jouissent d’un vaste soutien parmi les sondés. Toutefois, seuls 13% d’entre eux ont fait un bilan carbone de leur société
et 30% ont pris des mesures concrètes pour atteindre l’égalité salariale. La majorité des sondés n’a rien entrepris. Ils jugent l’impact de telles mesures trop peu important. «Il faut renforcer les politiques publiques pour inciter par exemple à faire des bilans carbone, conclut le chercheur. Cela créera un cercle vertueux. Ceux qui l’ont fait sont satisfaits.»
Dans le détail, les entrepreneurs abordent différemment la question de la croissance. Pour 57% des sondés, c’est via le chiffre d’affaires qu’ils l’envisagent alors que pour 24%, c’est via les emplois et pour 13% via les salaires. Parmi les entreprises ayant pris des dispositions énergétiques, dans 60% des cas, ces efforts sont ciblés sur l’électricité contre 43% sur le chauffage. Or, a expliqué le chercheur, l’électricité est un poste de dépense modeste et pollue peu par rapport au chauffage. «Les mesures, a-t-il regretté, ne ciblent pas les bons domaines.»
Nouvelle charte
Le rapport, a espéré Vincent Subilia, doit aider la CCIG à être prescriptrice. A l’occasion de sa 156e assemblée générale de mardi, elle va étreindre une charte afin d’aider ses membres à atteindre les objectifs de développement durable. Un nouveau service va être inauguré qui épaulera les entreprises décidées à faire un diagnostic durabilité.
«Il faut renforcer les politiques publiques pour inciter par exemple à faire des bilans carbone»
SYLVAIN WEBER, CHERCHEUR DE L’INSTITUT DE RECHERCHE APPLIQUÉE EN ÉCONOMIE ET GESTION