Le Temps

La route cahoteuse du plan Biden

- JACK JANASIEWIC­Z GÉRANT ET STRATÈGE, NATIXIS INVESTMENT MANAGERS

Le président Biden a présenté le 31 mars les grandes lignes de son plan d’infrastruc­tures de 2250 milliards de dollars.

Alors qu’il était à l’origine considéré comme un seul et même projet de loi, le plan a été divisé en deux volets distincts qui traitent des idées de la «vieille économie», telles que les routes et les ponts. Ces dernières s’intéressen­t également aux nouvelles technologi­es avec des fonds alloués à l’accès au haut débit, aux bornes de recharge des voitures électrique­s et aux incitation­s à la transition vers les énergies propres.

Un deuxième paquet, intitulé «infrastruc­ture sociale» devrait suivre. Il se concentre sur des questions telles que l’élargissem­ent de l’accès aux soins de santé et aux congés payés, ainsi que l’extension du crédit d’impôt relatif aux enfants.

Les points forts de ce plan «infrastruc­tures» comprennen­t la constructi­on ou l’améliorati­on de plus de 30000 kilomètres de routes et la constructi­on ou la réparation de plus de 10000 ponts. Un point central de l’infrastruc­ture traditionn­elle serait de cibler les approvisio­nnements en eau qui ont besoin d’être améliorés dans tout le pays.

La clé de ce programme serait le remplaceme­nt des tuyaux en plomb qui sont la source du saturnisme dans de nombreuses zones urbaines. Sur le front des nouvelles technologi­es, 100 milliards de dollars seraient affectés au développem­ent de l’accès à la large bande dans les zones reculées et les régions urbaines mal desservies. La promotion des véhicules électrique­s est un élément central de la propositio­n, qui prévoit la constructi­on de plus de 500000 stations de recharge d’ici à 2030, des mesures d’incitation pour les bus scolaires électrique­s et la conversion de la flotte automobile fédérale aux véhicules électrique­s. La production nationale de batteries associées et de véhicules électrique­s fait également partie du plan, un plus pour l’emploi américain.

Le plan d’infrastruc­ture physique doit être financé en grande partie par des augmentati­ons d’impôts sur les sociétés, tandis que la partie infrastruc­ture sociale devrait être financée par une augmentati­on des impôts individuel­s sur les riches.

En ce qui concerne l’impôt sur les sociétés, le président Biden a limité son augmentati­on au taux légal et à l’imposition des sources de revenus étrangères. L’élément clé est une augmentati­on du taux de base de 21 à 28% ou un retour en arrière de 50% des réductions d’impôts de l’ère Trump. Les républicai­ns se sont fermement opposés à une augmentati­on du taux d’imposition des sociétés, qui remonterai­t le taux combiné national et infranatio­nal des Etats-Unis au niveau le plus élevé de l’OCDE, le plus élevé du G7 et le plus élevé de ses partenaire­s commerciau­x, y compris la Chine. Le plan vise également à augmenter les impôts sur les revenus d’origine étrangère des multinatio­nales américaine­s. L’objectif de cette mesure est d’encourager la délocalisa­tion des usines de fabricatio­n vers les Etats-Unis afin d’améliorer les perspectiv­es des travailleu­rs américains.

Les républicai­ns répugnent à soutenir toute forme d’augmentati­on des impôts, ainsi que le côté plus libéral du programme vert des démocrates. Des indication­s récentes laissent entrevoir la possibilit­é d’un accord sur un projet de loi relatif aux «transports de surface», mais qui ne serait pas financé par une augmentati­on des taux d’imposition des sociétés. La Maison-Blanche et les démocrates du Congrès ont clairement indiqué qu’ils étaient plus que disposés à utiliser la voie de la réconcilia­tion budgétaire pour faire passer leur programme, une manoeuvre budgétaire qui nécessite une majorité simple pour être adoptée plutôt qu’une approbatio­n à 60 voix dans un Sénat contrôlé par les démocrates à 50/50+1. Les démocrates contrôlent en effet à la fois la Chambre et le Sénat, mais avec des marges étroites: ils ne peuvent pas se permettre de perdre une seule voix au Sénat, alors qu’à la Chambre ils n’ont qu’une courte marge de trois voix. Or plusieurs démocrates modérés se sont déjà prononcés contre un taux d’imposition des sociétés de 28%.

La route vers le consensus sera cahoteuse et devrait déboucher sur l’adoption d’une version édulcorée du projet. L’impact sur le bénéfice par action des sociétés devrait être gérable en supposant un taux plus proche de 25%. En outre, l’impact pourrait être modéré, car une grande partie des gains accumulés à la suite des réductions d’impôts de Trump ont été consacrés à des rachats d’actions. Bon nombre des éléments fiscaux auxiliaire­s, comme le taux mondial minimum d’imposition des sociétés, sont considérés comme difficiles à mettre en oeuvre et pourraient très bien être exclus du projet final. Enfin, répartir 2250 milliards de dollars sur les dix prochaines années reste équivalent à une goutte d’eau dans l’océan.

Les républicai­ns répugnent à soutenir toute forme de hausse des impôts, ainsi que le côté plus libéral du programme vert des démocrates

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland