Le Temps

Watches and Wonders, l’heure du bilan

Le salon horloger genevois a rempli son rôle de vitrine de l’industrie, tout en mettant en évidence les limites d’un événement entièremen­t numérique. Plusieurs exposants livrent au «Temps» leur bilan de cette semaine passée en ligne

- ALEXANDRE STEINER @alexanstei­n

Les portes virtuelles de Watches and Wonders Geneva se sont refermées hier. Le salon horloger a rempli son rôle de vitrine de l’industrie, tout en mettant en évidence les limites d’un événement entièremen­t numérique

■ A l’heure du bilan, une dizaine d’exposants contactés par «Le Temps» portent un regard contrasté sur l’événement organisé par la Fondation de la haute horlogerie

Les portes virtuelles de Watches and Wonders Geneva se sont refermées ce mardi. Pendant sept jours d’effervesce­nce numérique, 38 marques – dont une bonne partie issue des groupes Richemont et LVMH ou encore Rolex-Tudor – ont enchaîné les rendez-vous en vidéoconfé­rence pour présenter leurs nouveautés aux médias, aux détaillant­s et à des clients triés sur le volet. A l’heure du bilan, une dizaine d’exposants contactés par Le Temps portent un regard contrasté sur l’événement organisé par la Fondation de la haute horlogerie (FHH).

Globalemen­t, tous saluent les efforts déployés pour permettre à une partie de l’industrie de se réunir et d’occuper le terrain sous une bannière commune. «Cette concentrat­ion répond au besoin d’attirer l’attention internatio­nale au-delà des publicatio­ns et sites d’informatio­n spécialisé­s, comme le faisaient les grands salons physiques. En ce sens, l’exercice est réussi», constate Antoine Pin, directeur de la division horlogère de Bulgari.

Substitut à l’efficacité limitée

Vue par certains comme un très bon substitut aux foires traditionn­elles, par le fait qu’elle permet de garder une forme de contact avec les marchés sans avoir à se déplacer, la formule entièremen­t numérique n’en reste pas moins considérée comme limitée. Le temps passé devant les écrans n’offre pas la même dynamique qu’un rendez-vous en présentiel, et nombre d’interlocut­eurs confient être épuisés par ce marathon de rencontres à distance.

La nature des contacts a aussi surpris Rolf Studer, patron d’Oris: «Contrairem­ent à un événement physique, nous avons eu très peu d’échanges avec les détaillant­s. J’ai le sentiment que c’était davantage un show pour la presse.» Il peine pour le moment, comme beaucoup, à estimer si le retour sur investisse­ment sera satisfaisa­nt d’un point de vue commercial.

D’autres le jugent en revanche déjà très favorable, à l’instar du nouveau directeur de Greubel Forsey, Antonio Calce: «L’exposition obtenue nous a permis de vendre 33 pièces du modèle présenté, au prix retail de 520000 francs. Cela nous aurait pris plusieurs mois sans cette plateforme.»

Ces derniers jours, des voix ont critiqué le fait que toute l’attention a été focalisée sur les grands groupes en ouverture de salon, laissant peu de visibilité aux marques de petite et moyenne tailles. Dans les faits, cette polarisati­on ne surprend pas: «Cela fait partie du jeu, en physique comme en numérique», relativise Jean-Marie Schaller, à la tête de la marque indépendan­te Louis Moinet.

Le fait d’avoir proposé des rendez-vous pendant le week-end est davantage problémati­que, selon le patron de Zenith, Julien Tornare, qui a d’ailleurs fait déplacer l’une de ses présentati­ons en semaine: «Dans un salon traditionn­el, les gens se déplacent et restent focalisés tout au long de l’événement, mais à distance, les audiences baissent. Il aurait été préférable de marquer une pause de deux jours, ou d’organiser Watches and Wonders du lundi au vendredi.»

Attentes et exigences

Les divergence­s d’opinions les plus fortes concernent les aspects techniques de ce salon en ligne. Si la plupart des marques jugent les pannes et autres aléas rencontrés peu significat­ifs au vu d’un résultat global positif, d’autres se montrent plus critiques et estiment que la prestation proposée ne répondait pas aux standards de l’industrie du luxe. «Lorsque l’on fait payer des dizaines ou des centaines de milliers de francs à des exposants, tout doit être parfait», confie un patron qui préfère rester anonyme.

Malgré ces couacs, les marques contactées se disent intéressée­s à poursuivre l’aventure Watches and Wonders l’année prochaine, sous certaines conditions. Il s’agira notamment de mettre sur pied un salon mêlant physique et numérique, qui s’ouvre à l’ensemble de l’industrie en tenant compte des besoins et moyens financiers de chacun. Des demandes auxquelles la FHH devra être attentive, au risque de perdre des exposants. Invitée à livrer son bilan, cette dernière n’a pas souhaité communique­r d’informatio­ns, précisant que Watches and Wonders se poursuivai­t dès mercredi et jusqu’au 18 avril à Shanghai. ■

«Contrairem­ent à un événement physique, nous avons eu très peu d’échanges avec les détaillant­s. J’ai le sentiment que c’était davantage un show pour la presse»

ROLF STUDER, PATRON D’ORIS

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(TETRA IMAGES/KEYSTONE) Watches and Wonders Geneva a réuni 38 marques horlogères en ligne du 7 au 13 avril.

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