Watches and Wonders, l’heure du bilan
Le salon horloger genevois a rempli son rôle de vitrine de l’industrie, tout en mettant en évidence les limites d’un événement entièrement numérique. Plusieurs exposants livrent au «Temps» leur bilan de cette semaine passée en ligne
Les portes virtuelles de Watches and Wonders Geneva se sont refermées hier. Le salon horloger a rempli son rôle de vitrine de l’industrie, tout en mettant en évidence les limites d’un événement entièrement numérique
■ A l’heure du bilan, une dizaine d’exposants contactés par «Le Temps» portent un regard contrasté sur l’événement organisé par la Fondation de la haute horlogerie
Les portes virtuelles de Watches and Wonders Geneva se sont refermées ce mardi. Pendant sept jours d’effervescence numérique, 38 marques – dont une bonne partie issue des groupes Richemont et LVMH ou encore Rolex-Tudor – ont enchaîné les rendez-vous en vidéoconférence pour présenter leurs nouveautés aux médias, aux détaillants et à des clients triés sur le volet. A l’heure du bilan, une dizaine d’exposants contactés par Le Temps portent un regard contrasté sur l’événement organisé par la Fondation de la haute horlogerie (FHH).
Globalement, tous saluent les efforts déployés pour permettre à une partie de l’industrie de se réunir et d’occuper le terrain sous une bannière commune. «Cette concentration répond au besoin d’attirer l’attention internationale au-delà des publications et sites d’information spécialisés, comme le faisaient les grands salons physiques. En ce sens, l’exercice est réussi», constate Antoine Pin, directeur de la division horlogère de Bulgari.
Substitut à l’efficacité limitée
Vue par certains comme un très bon substitut aux foires traditionnelles, par le fait qu’elle permet de garder une forme de contact avec les marchés sans avoir à se déplacer, la formule entièrement numérique n’en reste pas moins considérée comme limitée. Le temps passé devant les écrans n’offre pas la même dynamique qu’un rendez-vous en présentiel, et nombre d’interlocuteurs confient être épuisés par ce marathon de rencontres à distance.
La nature des contacts a aussi surpris Rolf Studer, patron d’Oris: «Contrairement à un événement physique, nous avons eu très peu d’échanges avec les détaillants. J’ai le sentiment que c’était davantage un show pour la presse.» Il peine pour le moment, comme beaucoup, à estimer si le retour sur investissement sera satisfaisant d’un point de vue commercial.
D’autres le jugent en revanche déjà très favorable, à l’instar du nouveau directeur de Greubel Forsey, Antonio Calce: «L’exposition obtenue nous a permis de vendre 33 pièces du modèle présenté, au prix retail de 520000 francs. Cela nous aurait pris plusieurs mois sans cette plateforme.»
Ces derniers jours, des voix ont critiqué le fait que toute l’attention a été focalisée sur les grands groupes en ouverture de salon, laissant peu de visibilité aux marques de petite et moyenne tailles. Dans les faits, cette polarisation ne surprend pas: «Cela fait partie du jeu, en physique comme en numérique», relativise Jean-Marie Schaller, à la tête de la marque indépendante Louis Moinet.
Le fait d’avoir proposé des rendez-vous pendant le week-end est davantage problématique, selon le patron de Zenith, Julien Tornare, qui a d’ailleurs fait déplacer l’une de ses présentations en semaine: «Dans un salon traditionnel, les gens se déplacent et restent focalisés tout au long de l’événement, mais à distance, les audiences baissent. Il aurait été préférable de marquer une pause de deux jours, ou d’organiser Watches and Wonders du lundi au vendredi.»
Attentes et exigences
Les divergences d’opinions les plus fortes concernent les aspects techniques de ce salon en ligne. Si la plupart des marques jugent les pannes et autres aléas rencontrés peu significatifs au vu d’un résultat global positif, d’autres se montrent plus critiques et estiment que la prestation proposée ne répondait pas aux standards de l’industrie du luxe. «Lorsque l’on fait payer des dizaines ou des centaines de milliers de francs à des exposants, tout doit être parfait», confie un patron qui préfère rester anonyme.
Malgré ces couacs, les marques contactées se disent intéressées à poursuivre l’aventure Watches and Wonders l’année prochaine, sous certaines conditions. Il s’agira notamment de mettre sur pied un salon mêlant physique et numérique, qui s’ouvre à l’ensemble de l’industrie en tenant compte des besoins et moyens financiers de chacun. Des demandes auxquelles la FHH devra être attentive, au risque de perdre des exposants. Invitée à livrer son bilan, cette dernière n’a pas souhaité communiquer d’informations, précisant que Watches and Wonders se poursuivait dès mercredi et jusqu’au 18 avril à Shanghai. ■
«Contrairement à un événement physique, nous avons eu très peu d’échanges avec les détaillants. J’ai le sentiment que c’était davantage un show pour la presse»
ROLF STUDER, PATRON D’ORIS