La justice genevoise tient le choc face au covid
Le bilan annuel, présenté par le procureur général Olivier Jornot, montre que les conséquences des mesures sanitaires sur le rythme des procédures s’avèrent moins catastrophiques que prévu. Même si la situation demeure tendue
Les prévisions les plus apocalyptiques ne se sont finalement pas réalisées. Après l'effet massif du premier semi-confinement sur l'activité des tribunaux, la justice genevoise a réussi à encaisser la deuxième vague sans trop de dégâts. Avec sa casquette de président de la Commission de gestion du troisième pouvoir et à l'occasion de la présentation annuelle consacrée au fonctionnement de l'institution, le procureur général Olivier Jornot a détaillé ce mardi les chiffres qui reflètent l'impact effectif de la pandémie sur le nombre et le rythme des procédures. Et a résumé la situation ainsi: «Le système a tenu et a absorbé le choc. Nous avons réussi à répondre à nos missions et aux besoins de la population, même si du retard a été pris dans certaines affaires.»
Un premier coup de projecteur sur les mois de mars à juin 2020 pouvait faire craindre le pire avec une baisse importante des procédures nouvelles (moins 22% au pénal et moins 40% dans la filière civile et droit public) et des dossiers terminés (moins 26% et moins 42%) par rapport à la même période en 2019, ainsi qu'une chute vertigineuse du nombre d'audiences (1300 de moins au pénal, soit une baisse de 59% et 1100 audiences de moins dans les autres filières, soit moins 61%).
Explosion du nombre de cas au Tribunal des mineurs
Sur l'année, ces écarts sont bien inférieurs, et ce malgré une deuxième vague qui a entraîné un pic de quarantaine et d'isolement en novembre tout en provoquant le renvoi de plusieurs procès impliquant un nombre élevé de protagonistes. «On a pu rattraper les choses par une activité redoublée, tout en favorisant la procédure écrite chaque fois que cela était possible», indique Olivier Jornot. Globalement, par rapport à l'année précédente, 2020 aura enregistré une baisse de 10% des audiences pénales (au tribunal et devant le Ministère public) ainsi qu'une baisse de 15% dans le civil et l'administratif. Les procédures achevées diminuent respectivement de 8,3% (tout en voyant 3,9% de moins d'affaires) et 7,2% (avec -7,1% d'entrées). Au final, c'est la filière pénale (38% des quelque 100000 procédures traitées au total) qui se retrouve «un peu plus entravée» par les mesures sanitaires et qui voit son stock s'aggraver un poil plus que ses cousines.
Parmi les juridictions soumises à forte pression, il y a le Tribunal des mineurs qui a vu le nombre de ses nouveaux dossiers exploser, même par temps de pandémie. Les procédures dites ordinaires (2030), qui concernent les crimes et délits commis par les jeunes (avec en prime la problématique des mineurs non accompagnés qui ont fait l'objet de 468 procédures entre mai et décembre), ont augmenté de 31% en une année (et de 93% en comparant à 2016) alors que les effectifs sont restés les mêmes. Les affaires de contraventions y ont aussi augmenté de 25% depuis 2019. Des collaborateurs ont été engagés en appui pour faire face à l'afflux. «La nécessité de renforcer le nombre de magistrats sera examinée», précise Olivier Jornot, la justice des mineurs devant plus que tout autre être mise à l'abri d'un fonctionnement trop mécanique lié à la surcharge.
La crise sanitaire n'aura pas dissuadé l'élaboration d'un plan quinquennal visant à définir plusieurs objectifs stratégiques pour le pouvoir judiciaire. La Commission de gestion compte ainsi améliorer la qualité des prestations fournies aux usagers et contribuer à la réforme du dispositif de protection de l'adulte et de l'enfant, un domaine particulièrement délicat qui implique d'autres services de l'Etat. Parmi les axes retenus, il y a encore celui qui consiste à soigner le bien-être du personnel administratif, celui qui propose de soutenir les magistrats dans leurs efforts d'adaptation et d'échanges, celui qui s'ouvre vers l'extérieur et celui qui vise à réussir une transition numérique transformée en véritable défi. En parlant de numérique, un nouveau site internet, justice.ge.ch, est né ce jour. ■