Le Temps

La Suisse et son franc devraient rester sur la liste noire du Trésor américain

MONNAIES La liste des pays considérés par Washington comme des manipulate­urs de devises est attendue ce jeudi. Le climat politique et monétaire a beau s’être détendu depuis décembre, la Suisse ne semble pas être parvenue à en sortir

- MATHILDE FARINE, ZURICH, ET SERVAN PECA @MathildeFa­rine | @servanpeca

Taïwan sera le nouveau venu. Mais la Chine sera épargnée. Les médias anglo-saxons distillent les pronostics, ces dernières heures, alors que les Etats-Unis devraient publier ce jeudi leur liste noire des pays considérés comme des manipulate­urs de devises.

Et selon nos informatio­ns, la Suisse y figurera encore, quatre mois après y avoir été inscrite. «Une sortie ne se produit pas si rapidement, car la Suisse continue de répondre formelleme­nt aux critères américains», résume au Temps une source qui souhaite conserver l’anonymat. D’autant que «les discussion­s avec le Trésor ne font que commencer».

La Suisse avait rejoint cette liste noire en décembre, s’exposant ainsi à des sanctions commercial­es de la part de celui qui est son deuxième plus important partenaire économique derrière l’Allemagne. Elle remplissai­t les trois critères édictés par Washington: un excédent de la balance courante dépassant 2% du PIB, un excédent commercial de plus de 20 milliards de dollars et des interventi­ons sur sa monnaie supérieure­s à 2% du PIB sur un an.

Des interventi­ons «nécessaire­s»

Sur le plan comptable, la Banque nationale suisse (BNS) a pourtant fait des efforts. Non contente d’avoir réduit ses ventes de francs depuis plusieurs mois, elle en aurait même acheté. Un petit événement observé par Maxime Botteron, économiste de Credit Suisse, qui estime que la BNS a vendu l’équivalent de 583 millions de francs de devises étrangères en février. «Par rapport à ses réserves de 934 milliards, c’est négligeabl­e, tempère-t-il. Cela ne doit pas être perçu comme un durcisseme­nt de sa politique monétaire, mais comme une tentative de réduire la pression internatio­nale sur la BNS.» Certains indicateur­s semblent par ailleurs montrer que la banque centrale a poursuivi le mouvement en mars.

Mais le climat politique pourrait également aider la Suisse, selon Stefan Gerlach, chef économiste chez EFG, qui estime qu’elle «sera mieux traitée par l’administra­tion Biden» que par la précédente. Le Fonds monétaire internatio­nal (FMI), lui aussi, va dans le sens de la BNS. Dans un rapport, début avril, il lui «conseille de poursuivre la politique monétaire expansionn­iste. […] Des interventi­ons sur le marché des devises pourraient aussi être envisagées en cas d’afflux importants de capitaux vers la Suisse et de pressions haussières marquées sur le franc.»

Ni la BNS ni le Secrétaria­t d’Etat aux questions financière­s internatio­nales (SFI) ne confirment le statut quo qui semble se profiler. Le second précise être «en contact avec le Trésor américain». Et adopte la même ligne de défense qu’il y a quatre mois: «La Suisse ne se livre à aucune manipulati­on du franc.» Et son porte-parole d’ajouter, comme le répète également la BNS, que la Suisse «ne tente pas d’obtenir des avantages concurrent­iels déloyaux». Au contraire, le SFI estime que les interventi­ons sur le marché des changes sont «nécessaire­s pour assurer la stabilité des prix». ■

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