Le Temps

La pandémie et la réglementa­tion bancaire

- CHARLES WYPLOSZ

A la suite de la grande crise financière de 2008, de très nombreux pays ont adopté des mesures réglementa­ires destinées à réduire les risques d'une nouvelle crise. Dès le début de la pandémie, une partie de ces mesures ont été assouplies (temporaire­ment, en principe) pour atténuer la crise économique qui s'annonçait. Une récente étude de chercheurs du FMI a examiné de près comment les marchés financiers ont réagi à cette vague de dérégulati­ons dans une vingtaine de pays. Les résultats sont surprenant­s.

La grande crise financière avait fait apparaître à quel point les banques avaient pris des risques financiers. De plus, lorsque le système bancaire menaçait de s'effondrer, les autorités ont dû déverser des sommes gigantesqu­es pour arrêter une dégringola­de qui menaçait de plonger le monde dans une véritable dépression économique. Après coup, les leçons ont été tirées: les réglementa­tions ont été resserrées un peu partout, largement en réponse à des accords internatio­naux.

Les principale­s mesures adoptées visaient deux objectifs principaux. Il s'agissait d'abord de limiter les risques que prennent les banques, en particulie­r le risque de se retrouver sans argent – et d'être dans l'impossibil­ité d'en emprunter – après avoir subi des pertes importante­s. C'est ce risque de liquidité qui avait déclenché la crise en 2008. Mais l'essence de la finance est de prendre des risques, par exemple en prêtant à ses clients de l'argent que certains ne pourront pas rembourser. Il y aura toujours des accidents et il faudra donc toujours envoyer l'ambulance, autrement dit injecter de l'argent pour protéger le système bancaire. Le deuxième objectif était donc de réduire le coût des crises bancaires pour la société. La solution a été d'imposer aux banques d'avoir plus de capital, qui est la mise des actionnair­es. En cas de faillite, le capital est perdu pour les actionnair­es mais il réduit le coût des opérations de sauvetage car il est utilisé pour rembourser une partie des dettes de la banque. Surtout, plus le capital est élevé, plus les actionnair­es ont intérêt à ce que leurs banques soient prudentes.

Entre février et mai 2020, ces mesures ont été relâchées, pour une bonne cause. Face à la montée des incertitud­es créées par la pandémie, il s'agissait alors de s'assurer que la finance n'allait pas aggraver la situation en cessant de jouer son rôle fondamenta­l, celui de prêter aux entreprise­s et aux particulie­rs en situation précaire. Ça a marché.

Une question intéressan­te est de savoir ce qu'en ont pensé les marchés financiers, autrement dit les investisse­urs, qui suivent ces questions de très près. Ce qu'ils pensent est visible, il suffit d'observer l'évolution des cours boursiers au moment où les mesures sont annoncées. Quand les exigences concernant le capital des banques ont été réduites, les cours boursiers ont baissé, y compris ceux des banques. Les investisse­urs n'ont pas apprécié cette mesure, ce qui peut paraître bizarre puisqu'il s'agit de faciliter le crédit bancaire. Il semble que les investisse­urs ont craint que les banques, qui auraient désormais moins à perdre en cas de coup dur, prennent de nouveau des risques excessifs et précipiten­t ainsi une nouvelle crise.

En revanche, les mesures qui réduisent l'exigence pour les banques de garder des liquidités, au lieu d'accroître leurs prêts, ont été appréciées par les investisse­urs et les cours boursiers, en général, ont augmenté. Les investisse­urs ont probableme­nt conclu que ces mesures allaient favoriser les possibilit­és d'emprunt des entreprise­s et des particulie­rs, minimisant ainsi l'impact économique de la crise sanitaire. Malgré cela, et de façon surprenant­e, les cours des banques ont eux plutôt baissé, marquant encore une fois une crainte de prises de risque excessif. Que nous disent ces résultats? Premièreme­nt, que l'attractivi­té des banques en tant que placement financier a diminué de façon rédhibitoi­re depuis la crise de 2008; le monde de la finance, y compris les actionnair­es des banques, se méfie désormais des banques. Deuxièmeme­nt, que les investisse­urs vont souhaiter que les règles d'avant la crise sanitaire soient rétablies. ■

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