Le dossier nucléaire iranien proche du point d’ébullition
Les négociations doivent reprendre jeudi à Vienne, alors que Téhéran accuse Israël de «terrorisme nucléaire» et annonce augmenter le niveau d’enrichissement de son uranium
Le temps semble s’être comprimé pour les négociateurs réunis à Vienne. Leur mission: réintégrer les Etats-Unis au sein de l’accord sur le programme nucléaire iranien (Joint Comprehensive Plan of Action ou JCPOA) en les incitant à lever les sanctions prises par Donald Trump, tout en obtenant que l’Iran se remette en conformité avec ses obligations. C’était compter sans une brusque accélération du tempo initiée à plusieurs milliers de kilomètres.
Le premier acte survient dimanche. Alors que le président Hassan Rohani a inauguré la veille une nouvelle cascade de centrifugeuses sur le site de Natanz, un incident se produit dans le complexe. Les autorités iraniennes déclarent qu’il s’agit d’une «panne de courant». Mais rapidement, plusieurs médias israéliens évoquent une opération de l’Etat hébreu. Mardi, place au second acte. Téhéran parle d’une opération de «sabotage» et annonce augmenter le taux d’enrichissement de son uranium 235.
Depuis que les Etats-Unis ont quitté le JCPOA en 2018, la République islamique a certes déjà dépassé le seul de 3,67% stipulé par l’accord, le portant à 20% en janvier. Désormais, elle se dit prête à le pousser jusqu’à 60%. Un pourcentage suffisant, comme l’indiquent les responsables iraniens, pour la fabrication de «produits radiopharmaceutiques», mais en dessous du seuil de 90% nécessaire à la mise au point d’une arme.
La visite, mercredi, des inspecteurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) sur le site de Natanz n’a pour l’heure livré aucune indication supplémentaire sur l’origine de l’incident. Mais le message de l’Iran pour justifier la hausse de son enrichissement est déjà clair: Téhéran entend répondre ainsi à ce qu’il qualifie de «terrorisme nucléaire» de la part de Tel-Aviv.
«Si le but du premier ministre Netanyahou avec cette opération contre Natanz est d’entraver les discussions entre les Etats-Unis et l’Iran et d’accroître la probabilité d’un conflit ouvert, il pourrait avoir réussi», s’inquiète sur Twitter Carl Bildt, coprésident du centre de recherche European Council on Foreign Relations (ECFR). Signe de cette tension multiforme, un navire israélien a été attaqué mardi au large des côtes émiraties. «Plus le temps passe avant d’aboutir à une solution, plus il y a de risques qu’un «cygne noir» survienne – un choc externe à l’échelle du Moyen-Orient qui pourrait faire dérailler la diplomatie», indiquait déjà lundi au Temps Ali Vaez, directeur du projet Iran à l’International Crisis Group.
Négocier en position de force
La montée en puissance des opérations d’enrichissement de l’Iran a suscité la condamnation des Etats européens qui participent aux négociations de Vienne – la France, le RoyaumeUni et l’Allemagne. Il pourrait toutefois s’agir d’une réponse jugée indispensable par Hassan Rohani, dont le second et dernier mandat s’achève en juin. Au moment où le guide suprême, Ali Khamenei, met en garde contre des pourparlers qui pourraient «traîner en longueur», cette démonstration de force doit permettre au président de convaincre les plus conservateurs qu’il est non seulement indispensable de négocier, mais qu’il entend surtout le faire en position de force. «N’ayez pas peur des négociations de Vienne», a-t-il déclaré mercredi, en réaffirmant le caractère pacifique du programme nucléaire iranien.
En écho, son ministre des Affaires étrangères a mis dans la balance le «terrorisme nucléaire» d’Israël et le «terrorisme économique» des Etats-Unis, en référence aux sanctions imposées par Donald Trump dans le cadre de sa stratégie de «pression maximale». «Biden et Harris ont un choix clair à faire, écrit Mohammad Javad Zarif sur Twitter. Soit l’accord conclu sous Obama et Biden, soit la campagne d’«échec maximal». Il n’y a pas d’alternative. Et pas beaucoup de temps.»
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