L’ouverture des terrasses entourée de doutes
Le Conseil fédéral autorise, à certaines conditions, l’exploitation des espaces extérieurs des cafés et des restaurants dès lundi ainsi que diverses activités culturelles et sportives. Les restaurateurs sont partagés, les milieux culturels sont satisfaits
Si la météo le permet, les Suissesses et les Suisses pourront passer leur lundi au soleil. En buvant un verre ou en mangeant un morceau sur une terrasse. Le Conseil fédéral autorise en effet la réouverture des espaces extérieurs des cafés et des restaurants dès lundi prochain, et cela de 6h à 23h. Pour autant bien sûr que les températures le permettent.
Il faudra obligatoirement rester assis et porter le masque lorsque l'on ne consomme pas. Pas plus de quatre personnes pourront se partager la même table et les espaces entre les tables devront être d'au moins 1,5 m. Les terrasses pourront être recouvertes. Les cantons et les communes ont la possibilité d'autoriser leur agrandissement. Bâle-Ville et Berne ont déjà prévu cette possibilité.
«Très difficile de planifier»
Cette mesure permettra-t-elle à la branche de la restauration, mise à l'arrêt forcé depuis janvier, de sortir de la crise? Les réactions sont mitigées. «Le désarroi de notre secteur est tel que seule une réouverture complète aurait pu nous redonner le sourire», lâche avec amertume Laurent Terlinchamp, président de la Société des cafetiers, restaurateurs et hôteliers genevois.
A ses yeux, certains types d'établissements qui proposent des boissons et des mets sur le pouce vont pouvoir souffler mais, pour la restauration pure, l'ouverture des terrasses n'est pas rentable. «Les patrons restent tributaires de la météo, il est très difficile de planifier du personnel et des stocks dans ces conditions», rappelle-t-il. A Genève, où environ la moitié des restaurants possèdent un espace à l'extérieur, Laurent Terlinchamp attend désormais avec appréhension les directives cantonales du ministre de la Santé, Mauro Poggia, «qui a jusqu'ici estimé que les parois en plexiglas n'étaient pas suffisantes».
«La réouverture des terrasses n'est que l'arbre qui cache la forêt, pointe Frédérique Beauvois, porte-parole du collectif #quivapayerladdition. Oui, les terrasses ouvrent, mais nous ne sommes pas un métier de terrasses. Cela va accentuer les inégalités de traitement. Nous avons désormais besoin que le Conseil fédéral nous partage sa feuille de route. A quel taux de reproduction, à quel pourcentage de la population vaccinée pourrons-nous envisager une réouverture totale de nos établissements?»
Prise de risque «possible»
Le Conseil fédéral a décidé d'autoriser les exploitations des terrasses alors que quatre des cinq indicateurs sont dépassés. Les incidences sur quatorze jours se situent à 300 alors que la référence a été fixée à 230. Le taux de reproduction est de 1,14 alors que la limite a été fixée à 1. La moyenne des hospitalisations sur sept jours est de 60,7 alors que le seuil a été établi à 55,3. La moyenne des décès sur sept jours s'élève à 8,7, soit au-dessus des 7,3 définis. Seul le taux d'occupation des lits en soins intensifs (180) est au-dessous de la barre (250).
Pourquoi, dans ces conditions, procéder à des assouplissements dès le 19 avril? «Il n'y a pas d'automatisme avec ces critères. Il est vrai que quatre sur cinq sont dépassés, mais ils ne sont pas très éloignés du but fixé. La réouverture prudente des magasins et l'extension des réunions privées en mars n'ont pas entraîné de hausse massive du nombre de contaminations. Le Conseil fédéral estime dès lors que, même si la situation reste fragile, la prise de risque est possible. Mais il ne délivre pas un message de relâchement», justifie le ministre de la Santé, Alain Berset, qui souligne que la multiplication des tests et la progression de la vaccination favorisent la levée de certaines restrictions. Il précise que les établissements qui n'ont pas de terrasse, renonceront à ouvrir la leur ou ne couvriront pas leurs coûts en exploitant leurs seuls espaces extérieurs continueront de bénéficier des aides covid.
Si le Conseil fédéral a lâché du lest, c'est parce qu'il se voit de plus en plus souvent reprocher de trop mettre l'accent sur les aspects sanitaires et de ne pas assez prendre en compte les dégâts commerciaux et sociaux. Mardi, GastroSuisse a produit un avis de droit qui jugeait «illicites» les mesures prises. Selon cette expertise, les «valeurs indicatives de l'Office fédéral de la santé publique (OFSP) ne permettent pas de prendre des décisions justes. Ces critères ne doivent pas uniquement prendre en compte la situation épidémiologique, mais aussi les conséquences économiques et sociales.»
Dispositif présenté en mars
Le Conseil fédéral ne se contente pas de relâcher la pression dans la restauration. Il met aussi en oeuvre l'essentiel du dispositif qu'il avait présenté à mi-mars, avant d'y renoncer face à l'évolution du nombre des infections. En extérieur, des manifestations pourront accueillir jusqu'à 100 personnes assises, masquées et privées de consommations. Cela concerne des compétitions sportives professionnelles ou semi-professionnelles (matchs de football, épreuves d'athlétisme) ou des concerts.
A l'intérieur, la limite sera fixée à 50 personnes. Cela permet de relancer les sports en salle, les cinémas, les théâtres, les salles de concert. Le taux d'occupation ne devra pas dépasser un tiers de la capacité. Les activités sportives et culturelles amateurs, les piscines, les espaces intérieurs des zoos pourront accueillir jusqu'à 15 adultes.
Les centres de fitness pourront accueillir plus de 15 clients, ces entraînements étant plutôt individuels. L'enseignement présentiel sera de nouveau autorisé dans les hautes écoles et pour les formations continues. Mais la capacité est là aussi fixée à 50 personnes. Toujours avec le masque. Formellement, l'obligation de télétravailler demeure «afin d'éviter des flux de pendulaires», justifie Alain Berset, suscitant l'incompréhension des organisations patronales.
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