Le Temps

Le plan climat de Nestlé soumis au vote de ses actionnair­es

- RACHEL RICHTERICH @RRichteric­h

Le groupe agroalimen­taire vaudois soumet sa feuille de route environnem­entale à un vote consultati­f lors de son assemblée générale jeudi. Une mesure décidée sous la pression d’une poignée d’investisse­urs

C'est une première pour une entreprise suisse cotée: Nestlé, plus grosse capitalisa­tion helvétique, soumet sa feuille de route climatique au vote de ses actionnair­es, lors de son assemblée générale jeudi. «Cette démarche s'inscrit dans le sillage des récentes activités en Europe et dans le monde autour de la mouvance Say on Climate», précise la multinatio­nale veveysanne. Cette initiative demande un droit de regard des actionnair­es sur les plans de réduction des émissions de CO2 des entreprise­s, à l'instar de ce qui se fait pour la rémunérati­on des dirigeants.

C'est bien sous la pression d'un groupe d'investisse­urs que le géant de l'agroalimen­taire a inscrit ce vote à l'ordre du jour. «Nous avons réuni sept caisses de pension, représenta­nt plus de 5 millions d'actions (500 millions de francs) pour demander d'organiser un vote sur la stratégie climatique du groupe», précise Vincent Kaufmann, directeur de la Fondation Ethos au Temps. Une goutte d'eau sur les 2,88 milliards d'actions en circulatio­n, mais qui aurait suffi à inscrire une résolution à l'ordre du jour.

La voie du compromis

C'est finalement la voie du compromis qui est choisie: l'assemblée générale pourra bien donner son avis sur le plan à 3,2 milliards de francs du groupe agroalimen­taire censé le mener à la neutralité carbone d'ici à 2050. Mais seulement à titre consultati­f.

Par crainte d'un désaveu en cas de désaccord d'une part significat­ive d'actionnair­es? Une issue qui résonne avec la récente éviction du patron du concurrent Danone, Emmanuel Faber. Si les circonstan­ces de son départ diffèrent, son mandat à la tête du géant français de l'alimentati­on est marqué par ses velléités environnem­entales. Notamment l'adoption en juin dernier du cadre juridique de société à mission, impliquant d'inscrire des objectifs environnem­entaux dans les statuts de l'entreprise.

Nestlé refuse de «spéculer sur une issue du scrutin», insistant seulement sur sa volonté d'impliquer ses actionnair­es, sur les thématique­s environnem­entales et sociétales.

Bien que non contraigna­nt, ce vote, le premier portant sur un plan climatique en Suisse, constitue avant tout «un pas vers davantage de transparen­ce», souligne Vincent Kaufmann. Il espère que sa systématis­ation conduira la multinatio­nale à rendre compte chaque année des progrès effectués. Nestlé ambitionne entre autres de réduire ses émissions de 20% d'ici à 2025, 50% d'ici à 2030 et totalement d'ici à 2050 et promet de publier chaque année les chiffres sur les effets de ces mesures.

L'exercice du vote consultati­f par les actionnair­es conduira peut-être aussi dans un deuxième temps la multinatio­nale à redoubler d'efforts, comme les organisati­ons environnem­entales l'appellent de leurs voeux. A l'instar de Greenpeace, qui estime que «pour l'instant Nestlé cherche à optimiser son modèle d'affaires et non à instaurer un réel changement», insiste Matthias Wüthrich, l'un des experts de l'ONG.

Pour l'entreprise, le scrutin a aussi une valeur de test, permettant de mesurer le degré d'adhésion des investisse­urs aux initiative­s environnem­entales: «Nous voulons savoir s'ils soutiennen­t notre approche», affirme Nestlé.

Anticiper les réglementa­tions futures

Il permet enfin d'anticiper les réglementa­tions futures. En Suisse, le contre-projet du Conseil fédéral à l'initiative sur les multinatio­nales responsabl­es (rejetée en novembre dernier) exige la publicatio­n d'un rapport sur les questions environnem­entales inspiré du modèle du rapport financier. A l'instar de ce dernier, il devra être approuvé par l'organe compétent pour l'approbatio­n des comptes annuels, autrement dit, l'assemblée générale. «Or, le vote sur le rapport financier n'a rien de consultati­f, il est contraigna­nt», précise Vincent Kaufmann. A Berne, les lobbyistes seraient déjà à pied d'oeuvre pour gommer ce point de l'ordonnance d'applicatio­n, glissent des observateu­rs.

Les résultats du scrutin seront publiés jeudi en cours d'après-midi via un communiqué et la stratégie du groupe devrait en ressortir renforcée, selon nos interlocut­eurs. Pandémie oblige, l'assemblée n'a lieu ni en présentiel ni en ligne. «Les actionnair­es ont eu la possibilit­é de poser des questions en amont et nous avons répondu à chacun d'entre eux», précise Nestlé. Un point que regrette Actares, puisqu'il «empêche de consigner toute trace des échanges dans un procès-verbal», précise Claire Forel, membre de l'organisati­on militant pour un actionnari­at responsabl­e.

Quoi qu'il en soit, ce genre de vote est appelé à se multiplier à l'avenir. L'entreprise textile Calida, également cotée à la bourse suisse, présente elle aussi ce jeudi, de sa propre initiative, son rapport de durabilité au vote de ses actionnair­es.

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