Le plan climat de Nestlé soumis au vote de ses actionnaires
Le groupe agroalimentaire vaudois soumet sa feuille de route environnementale à un vote consultatif lors de son assemblée générale jeudi. Une mesure décidée sous la pression d’une poignée d’investisseurs
C'est une première pour une entreprise suisse cotée: Nestlé, plus grosse capitalisation helvétique, soumet sa feuille de route climatique au vote de ses actionnaires, lors de son assemblée générale jeudi. «Cette démarche s'inscrit dans le sillage des récentes activités en Europe et dans le monde autour de la mouvance Say on Climate», précise la multinationale veveysanne. Cette initiative demande un droit de regard des actionnaires sur les plans de réduction des émissions de CO2 des entreprises, à l'instar de ce qui se fait pour la rémunération des dirigeants.
C'est bien sous la pression d'un groupe d'investisseurs que le géant de l'agroalimentaire a inscrit ce vote à l'ordre du jour. «Nous avons réuni sept caisses de pension, représentant plus de 5 millions d'actions (500 millions de francs) pour demander d'organiser un vote sur la stratégie climatique du groupe», précise Vincent Kaufmann, directeur de la Fondation Ethos au Temps. Une goutte d'eau sur les 2,88 milliards d'actions en circulation, mais qui aurait suffi à inscrire une résolution à l'ordre du jour.
La voie du compromis
C'est finalement la voie du compromis qui est choisie: l'assemblée générale pourra bien donner son avis sur le plan à 3,2 milliards de francs du groupe agroalimentaire censé le mener à la neutralité carbone d'ici à 2050. Mais seulement à titre consultatif.
Par crainte d'un désaveu en cas de désaccord d'une part significative d'actionnaires? Une issue qui résonne avec la récente éviction du patron du concurrent Danone, Emmanuel Faber. Si les circonstances de son départ diffèrent, son mandat à la tête du géant français de l'alimentation est marqué par ses velléités environnementales. Notamment l'adoption en juin dernier du cadre juridique de société à mission, impliquant d'inscrire des objectifs environnementaux dans les statuts de l'entreprise.
Nestlé refuse de «spéculer sur une issue du scrutin», insistant seulement sur sa volonté d'impliquer ses actionnaires, sur les thématiques environnementales et sociétales.
Bien que non contraignant, ce vote, le premier portant sur un plan climatique en Suisse, constitue avant tout «un pas vers davantage de transparence», souligne Vincent Kaufmann. Il espère que sa systématisation conduira la multinationale à rendre compte chaque année des progrès effectués. Nestlé ambitionne entre autres de réduire ses émissions de 20% d'ici à 2025, 50% d'ici à 2030 et totalement d'ici à 2050 et promet de publier chaque année les chiffres sur les effets de ces mesures.
L'exercice du vote consultatif par les actionnaires conduira peut-être aussi dans un deuxième temps la multinationale à redoubler d'efforts, comme les organisations environnementales l'appellent de leurs voeux. A l'instar de Greenpeace, qui estime que «pour l'instant Nestlé cherche à optimiser son modèle d'affaires et non à instaurer un réel changement», insiste Matthias Wüthrich, l'un des experts de l'ONG.
Pour l'entreprise, le scrutin a aussi une valeur de test, permettant de mesurer le degré d'adhésion des investisseurs aux initiatives environnementales: «Nous voulons savoir s'ils soutiennent notre approche», affirme Nestlé.
Anticiper les réglementations futures
Il permet enfin d'anticiper les réglementations futures. En Suisse, le contre-projet du Conseil fédéral à l'initiative sur les multinationales responsables (rejetée en novembre dernier) exige la publication d'un rapport sur les questions environnementales inspiré du modèle du rapport financier. A l'instar de ce dernier, il devra être approuvé par l'organe compétent pour l'approbation des comptes annuels, autrement dit, l'assemblée générale. «Or, le vote sur le rapport financier n'a rien de consultatif, il est contraignant», précise Vincent Kaufmann. A Berne, les lobbyistes seraient déjà à pied d'oeuvre pour gommer ce point de l'ordonnance d'application, glissent des observateurs.
Les résultats du scrutin seront publiés jeudi en cours d'après-midi via un communiqué et la stratégie du groupe devrait en ressortir renforcée, selon nos interlocuteurs. Pandémie oblige, l'assemblée n'a lieu ni en présentiel ni en ligne. «Les actionnaires ont eu la possibilité de poser des questions en amont et nous avons répondu à chacun d'entre eux», précise Nestlé. Un point que regrette Actares, puisqu'il «empêche de consigner toute trace des échanges dans un procès-verbal», précise Claire Forel, membre de l'organisation militant pour un actionnariat responsable.
Quoi qu'il en soit, ce genre de vote est appelé à se multiplier à l'avenir. L'entreprise textile Calida, également cotée à la bourse suisse, présente elle aussi ce jeudi, de sa propre initiative, son rapport de durabilité au vote de ses actionnaires.
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