Le Temps

Mark Branson passé sur le gril par le Bundestag

- DELPHINE NERBOLLIER, BERLIN @delphnerbo­llier

Le futur président de l’autorité allemande des marchés financiers, la BaFin, a répondu ce mercredi aux questions des membres de la Commission des finances du Bundestag. Dix mois après le scandale Wirecard, les élus allemands ont été majoritair­ement convaincus

Mark Branson était attendu comme le loup blanc ce mercredi. L'actuel président de l'autorité des marchés en Suisse (Finma) et futur dirigeant de son homologue en Allemagne (BaFin), s'est prêté au jeu des questions-réponses, lors d'une audition publique, purement informativ­e, organisée en ligne par la Commission des finances du Bundestag. C'était sa première interventi­on publique en Allemagne depuis sa nomination en mars par le ministre des Finances, Olaf Scholz.

A plus de trois mois de son entrée en fonction, cet ancien banquier, à la double nationalit­é britanniqu­e et suisse, a été assailli de questions concernant ses intentions pour redorer le blason d'une institutio­n très critiquée depuis la faillite de Wirecard. La BaFin est accusée d'avoir échoué à empêcher le plus grand scandale financier d'après-guerre en Allemagne.

Devant les membres de la commission, Mark Branson a reconnu devoir «se faire une idée par luimême» de la culture d'entreprise de la BaFin avant d'envisager un changement des mentalités. Il l'assure aussi: «Un changement passe uniquement par le choix du personnel dirigeant», «par leurs mots et leurs actes». «Je ne suis pas fan des programmes culturels», a-t-il reconnu. La constituti­on de sa future équipe paraît donc centrale, tout comme la question de l'embauche d'une centaine de nouveaux salariés, annoncée par le gouverneme­nt.

Quelle indépendan­ce pour la BaFin?

Le futur dirigeant de la BaFin soutient aussi le programme en sept points présenté par le Ministère des finances qui prévoit davantage d'actions préventive­s, des enquêtes plus efficaces et l'enregistre­ment officiel des informatio­ns obtenues par les lanceurs d'alerte. «Cela va permettre à la BaFin d'atteindre ses objectifs», juge Mark Branson, qui pointe toutefois les limites de ces réformes, à savoir le manque d'indépendan­ce de la BaFin envers la politique et l'industrie financière.

Très attendue, cette audition a rassuré la plupart des participan­ts. «Mark Branson a une expérience des marchés financiers internatio­naux, il dispose d'une bonne réputation et affiche sa volonté de changement», commente au Temps la députée sociale-démocrate Cansel Kiziltepe. «En Suisse, il a prouvé de quoi il était capable. Il peut faire renaître la confiance en la BaFin», estime-t-elle.

Que le parti social-démocrate soutienne Mark Branson, nommé par un ministre des Finances issu de ses rangs, n'est pas une surprise. Le Britanno-Suisse est toutefois aussi soutenu par l'élue chrétienne-démocrate Antje Tillmann: «Il m'a impression­née par la précision de ses propos. Je porte de grands espoirs en lui. Il est toujours bon d'avoir recours à des personnali­tés extérieure­s. Elles apportent des idées nouvelles.»

Impression positive

Dans les rangs de l'opposition, l'impression est également positive. «Mark Branson mérite une chance», commente Fabio De Masi, élu du parti de gauche radicale Die Linke. «Il doit signaler aux salariés de la BaFin qu'une surveillan­ce stricte est nécessaire et désirée. Il doit aussi obtenir davantage d'influence en matière budgétaire afin de s'imposer dans le recrutemen­t de top managers» ajoute cet élu. «Mais il ne doit pas transférer le modèle de la place financière suisse à une grande économie comme l'Allemagne car les risques systémique­s sont trop importants. Un scandale comme la faillite d'Archegos ou la publicité par l'autorité de surveillan­ce financière suisse en faveur de la monnaie électroniq­ue de Facebook ne doivent pas se produire en Allemagne, surtout après le scandale Wirecard», avertit ce député.

L'élue écologiste Lisa Paus, elle, est plus circonspec­te. «Malgré mes multiples questions à ce sujet lors de cette audition, on ne sait toujours pas quel rôle Mark Branson a joué personnell­ement dans les récents scandales impliquant Credit Suisse et la banque Greensill. On ne sait pas non plus si le gouverneme­nt fédéral allemand a vérifié quel rôle il a joué dans cette affaire», juge cette députée. «Il demeure difficile de savoir comment Mark Branson usera de son expérience internatio­nale pour réorganise­r la BaFin. En faire une institutio­n de classe mondiale sera une tâche herculéenn­e», juge-t-elle. L'intéressé entamera cette mission titanesque dès le mois d'août.

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